AccueilLa UNETunis : Un gâchis économique et financier pour une dizaine d'années encore!

Tunis : Un gâchis économique et financier pour une dizaine d’années encore!

Qu’en est-il de l’économie aujourd’hui? Personne n’en parle, pourtant, c’est si important.

Avant la révolution, on ne parlait, en évoquant le dossier économique, que des aspects positifs, mais l’administration faisait son travail, négociait avec les bailleurs de fonds, et fixait les priorités, malgré les façades de consultations aux échelons régionaux et sectoriels jumelées à l’interventionnisme politique. Les plans de développement sont régulièrement élaborés et, pendant les dernières années, leur bilan est dressé en fin d’exercice et même à mi-chemin. Entretemps, l’opinion publique n’est saisie que des succès, n’est informée que des secteurs qui marchent et des atouts du système économique en place. Evidemment, les insuffisances sont nombreuses mais elles n’ont jamais fait l’objet d’un débat national.

Après la révolution, les premières mesures étaient critiquables, mais somme toute explicables. La prime « Amal » pour les diplômés chômeurs, l’embauche de milliers de personnes, dont un grand nombre sont fictives, dans les chantiers (hadhaer), le recrutement à grande échelle de diplômés par le biais des mécanismes de l’emploi, et l’intégration de milliers de travailleurs dans le secteur de la sous-traitance, surtout dans les entreprises publiques.

Ces recrutements, auxquels se sont ajoutés ceux des amnistiés, ont été effectués sous la pression de l’UGTT, de la rue et au nom des droits induits par la révolution. Parallèlement, la machine de production s’est grippée et les revendications salariales ne se sont point arrêtées.

Ce qui nous intéresse, ce n’est pas tant la description de la situation économique que l’idée que s’en font les politiciens et les syndicalistes et les solutions qu’ils préconisent.

D’abord, il faut rappeler que les trois gouvernements de la première transition (les deux de Mohamed Ghannouchi et celui de Béji Caïd Essebsi ) étaient convaincus que la révolution ne voit ses objectifs se concrétiser que par le biais d’une économie saine et performante , et que de telles mesures imposées par la conjoncture peuvent compromettre les grands équilibres sur lesquels reposent le système économique et le modèle de développement du pays . Ils ont, de ce fait, souligné que ces mesures doivent être passagères et leur impact réduit en cours de route, à mesure que les consensus se forment sur les grands dossiers du développement (régions intérieures et emploi des jeunes diplômés). Ces gouvernements ont misé sur une période transitoire courte, et BéjiCaidEssebsi a même œuvré pour l’abréger.

Les gouvernements de la troïka n’étaient pas aiguillés sur ce genre de dossiers. Après avoir annoncé que les discussions entre composantes de cette troïka, d’octobre et décembre 2011, étaient centrées sur l’élaboration d’un modèle « révolutionnaire » de développement (sic) , et passé 5 mois (de décembre 2011 à mai 2012 ) , pour sortir un budget « révolutionnaire » pour l’année 2012 , l’opinion publique s’est aperçue que les débats étaient axés sur le partage des postes et des avantages qui vont avec.

La troïka a tenu à convaincre le pays que son exercice était efficace et que le redressement économique tant attendu, a été amorcé sous sa houlette.

Mais on n’a guère remarqué que l’opposition et l’UGTT se sont souciées de l’état des déséquilibres économiques qui se sont aggravés de jour en jour. La compensation des produits de base, du carburant et du secteur du transport dépasse le financement alloué aux projets de développement. Le taux de l’endettement extérieur passe de 37.5% en 2010 à presque 50% actuellement, et ces prêts sont destinés fondamentalement à la consommation ; l’inflation qui était à 1.5% avant 2011 grimpe à 6%, les déficits du budget et de la balance commerciale et des finances publiques sont exorbitants.

Il a fallu attendre janvier dernier pour que Mehdi Jomâa s’installe et annonce son diagnostic de la situation financière. Il relève que l’endettement public atteint 50% en 2014, et que le recours annuel à l’endettement a doublé entre 2010 et 2014, atteignant 7,4 milliards de dinars actuellement, contre 3,7 milliards de dinars avant la révolution.

La productivité des entreprises et des structures publiques s’est dégradée, et les dettes contractées par 27 entreprises nationales ont atteint 3 milliards de dinars à la fin 2013.

Le taux de chômage atteint 15,2% , grimpant à 31,4% pour les diplômés du supérieur à la fin du premier trimestre 2014, s’ajoutant, ainsi, à un faible taux de croissance, et à une instabilité endémique, alors que le taux d’investissement a régressé à 20,2% du PIB outre la dégradation de la notation souveraine du pays.

Le même diagnostic relève que le déficit commercial de la Tunisie a atteint 6,7 milliards de dinars, alors que le déficit courant s’est accru pour se situer à environ 4,5% du produit intérieur brut (PIB).

Il en ressort également que l’accroissement rapide des dépenses publiques, sans rapport avec l’évolution des fonds propres, a généré une crise des finances publiques, et que la part des recettes propres du budget est passée de 82% en 2010 à 75% en 2013, faisant passer le déficit budgétaire de -1% à -6,3% du PIB durant la même période.

Le constat est encore plus lancinant. En 2013, les ressources propres de l’Etat (16,3 milliards D) ne permettent plus de couvrir l’ensemble des postes budgétaires: les salaires (9,8 milliards D) , les dépenses de compensation (5,5 milliards D), ou encore les dépenses d’investissement (4,8 milliards de D), soit un déficit structurel de 3.8 Milliards de dinars, auquel s’ajoute un reliquat de dépenses non financées en 2013 de 2,6 milliards de dinars, reportées sur le budget 2014.

Ces grands déséquilibres qui se sont installés, s’aggravent de jour en jour. Et on sait que pour agir sur des équations compliquées à plusieurs inconnues et à plusieurs variables, il faut des années et de grandes réformes douloureuses pour résorber ces déséquilibres et revenir à la situation de 2010.

Mais ce qui est à relever, c’est que les formations qui ont fait la révolution ( la gauche, l’UGTT et le PDP de l’époque ) ne se sont jamais souciées de ces équilibres qui étaient rompus dès les premiers jours de la révolution et ne se sont pas comportées en révolutionnaires pour agir de manière à les préserver et en garantir la pérennité. On dira même que la centrale syndicale et l’extrême gauche ont tout fait pour que ces déséquilibres s’aggravent, en plaçant les gouvernements devant la nécessité de s’endetter pour répondre aux augmentations salariales et autres mesures imposées par les sit-ins et les grèves, et par-dessus tout, en suggérant de ne pas rembourser ces mêmes dettes extérieures qui font vivre le pays.

La logique de ces forces de la révolution peut paraître compréhensible. Ils se comportent, sans le dire clairement, face au modèle de développement, dans lequel, par choix idéologique, ils ne se reconnaissent pas, suivant une règle très simple: mieux vaut profiter de ce qui en reste pour accumuler le maximum d’acquis au profit de la classe ouvrière. Mais les déséquilibres nuisent à la bonne santé économique du pays et bloquent toute transition vers un autre modèle de développement plus favorable à leurs intérêts

Pour les partis de la troïka et autres formations qui ont surfé sur la révolution, ce genre de dossiers ne fait pas partie de leurs priorités et ils ne sont nullement outillés pour proposer des solutions permettant une sortie de crise.

Mais ce que nos révolutionnaires de gauche doivent retenir, c’est que la transition d’un modèle de développement à un autre, nécessite un climat de stabilité favorable à un débat national, et ce climat ne peut voir le jour que si les grands équilibres sont assurés. Et cela amène l’UGTT et la gauche à voir dans la quête de Mehdi Jomâa pour restaurer ces équilibres une condition pour la réalisation de leurs propres objectifs.

AboussaoudHmidi

- Publicité-

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -