AccueilLa UNETunis : Bourguiba, le bâtisseur, mais Bourguiba, l’autocrate!

Tunis : Bourguiba, le bâtisseur, mais Bourguiba, l’autocrate!

En ce quinzième anniversaire du décès du Leader Habib Bourguiba, les Tunisiens, surtout les plus jeunes d’entre eux, s’offrent l’opportunité longtemps occultée de se remémorer le père fondateur de leur Nation. Ils le doivent dans une large mesure à leur actuel président de la République, Béji Caïd Essebsi, qui a fait ses premières armes en politique auprès de son lointain prédécesseur auquel il voue un culte sans bornes.

C‘est a contrario la preuve que « un peuple sans histoire est un monde sans âme ». Effacer d’un trait de plume l’épopée d’un homme qui a consacré l’essentiel de sa vie à la cause de son peuple est plus qu’une injustice, un outrage, et le président déchu, Zine el Abidine Ben Ali a osé s’en rendre coupable. En décrétant son internement, des lustres durant, et en s’employant du pire qu’il pouvait à démolir son héritage, il a apporté sans aucun doute l’irréfragable démonstration, d’abord de son ingratitude à l’égard de l’homme qui l’a arraché au néant, et surtout de son insondable mépris du devoir de mémoire, celle de tout un peuple.

Le fait est que, avec ce retour du balancier, les Tunisiens sont désormais dans la posture d’un peuple qui sait et qui se remémore, du bien comme du mal, d’ailleurs, et qui s’élève au rang d’une Nation lucide et reconnaissante à ceux qui en ont fait ce qu’elle est maintenant.

Sans verser dans ce qui pourrait être assimilé à des évocations panégyriques, il est à propos et bien plus essentiel de savoir que ce qui a été accompli durant les trente premières années de l’Indépendance est une œuvre colossale dont les effets sont d’autant plus indélébiles qu’elles déterminent encore le vécu des Tunisiens dans bien des compartiments. D’abord le social qui accaparait le gros des dépenses des budgets de l’Etat, essentiellement l’éducation, la santé, la lutte contre l’analphabétisme et bien d’autres fléaux encore qui hypothéquaient et grevaient le développement. Une démarche qui ressortissait à une vision singulière au regard de la conjoncture d’alors, celle des pays fraîchement indépendants et qui croulaient sous le joug des effets d’une longue et parfois odieuse colonisation. Et puis, la place que le pays s’est arrogée sur le plan international à la faveur d’une diplomatie en accord avec ses intérêts alors que sévissait la guerre froide et que s’exacerbaient les clivages des blocs. Bourguiba, malgré les vicissitudes que traversait à l’époque la Tunisie, a su maintenir le cap de l’indépendance et naviguer entre les écueils même s’il a dû s’attirer l’aversion de maints pays arabes autant que celle de l’Union soviétique. Bien plus, il a réussi à engager le pays sur la voie de la coopération, surtout avec l’Occident, ce qui l’a aidé à plaider efficacement les causes de la Tunisie à en engranger bien des dividendes.

L’ère Bourguiba, c’est aussi et surtout l’émancipation de la femme avec la promulgation du Code du statut personnel, un pari qu’il a totalement gagné en permettant à la femme d’être l’égal de l’homme, du moins aux yeux de la loi, de s’affranchir de la condition qui était la sienne, notamment l’abolition de la polygamie qui a encore la vie dure dans presque tous les autres pays musulmans, et qui a propulsé la Tunisie au rang des pays modernes.

Pareilles réformes tenaient manifestement du pari et du risque. Et cela, le fondateur de la Tunisie moderne l’a osé au sortir d’une colonisation et précédemment de siècles de décadence sous le faix desquels croulaient tous les pays non seulement du monde musulman et aussi ceux d’Afrique et d’Asie.

A l’évidence, tout ceci ne peut pas être l’arbre qui cache la forêt. Et le règne de Bourguiba ne pouvait pas être indemne de quelques rendez-vous manqués avec l’Histoire certes, mais aussi avec les aspirations politiques des Tunisiens. En s’investissant dans l’exercice solitaire du pouvoir, en s’exceptant de donner au pays les institutions qui permettent aux citoyens de s’associer à la chose publique et en exaltant et en pratiquant à une vaste échelle le culte de la personnalité, Bourguiba qui se voulait le « Père de la Nation », a certainement privé la Tunisie de l’opportunité d’accéder au statut d’un pays qui aurait brûlé les étapes politiques, et ce faisant, accélérer son développement, pour ne pas se retrouver dans l’état qui est actuellement le sien.

Mohamed Lahmar

- Publicité-

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -