L’information rapportée ce matin par le quotidien Achourouk ne pouvait pas passer inaperçue. Le journal qui a couvert une tournée d’inspection «surprise» d’un groupe de 16 contrôleurs économiques dans le principal marché de la capitale tunisienne, s’aperçoit que presque tout le marché central était au courant de l’inspection qui devait avoir tous les contours d’une visite surprise. Des commerçants ont, par enchantement, donné un bon coup de propre à leurs étals, préparé toutes leurs factures et convenablement affiché tous leurs prix, remarquera la journaliste du quotidien. D’autres commerçants du même marché central ont carrément fermé boutique ce jour-là, juste quelques minutes avant l’arrivée de l’équipe d’inspection des prix au ministère du Commerce. La journaliste n’y va pas par quatre chemins et annonce que ces commerçants étaient déjà au courant de l’inspection surprise. On sait pourtant que ce genre d’opération coup de poing se prépare généralement dans le plus grand secret. A défaut , les fraudeurs ne seront jamais découverts, les marges de bénéfices légalement fixées ne seront jamais appliquées, les contraventions ne seront jamais levées et les prix ne baisseront pas.
Manifestement donc, il y a une taupe au ministère du Commerce qui alerte les commerçants de la venue des contrôleurs. Manifestement aussi, cette taupe est payée par ces commerçants pour faire la vigie et éventer l’affaire. Cette pratique a aussi été observée du temps de l’ancienne ministre du Commerce, lorsqu’elle avait essayé d’organiser des opérations de contrôle dans certains emplacements de commerce parallèle des voitures. Arrivés sur place, les contrôleurs se rendent compte que l’objet du délit n’existait plus et que les voitures ont été déplacées.
Pour l’actuel ministre du Commerce, l’affaire est assez grave. La feuille de route du ministre Ridha Lahouel ne comporterait presque pas autre chose que le contrôle de la hausse des prix et la baisse de l’inflation qu’il espère ramener à seulement 5 % pour toute l’année 2015, selon une récente déclaration faite sur les ondes de la radio nationale tunisienne.
Dès sa prise en main du ministère, Lahouel a veillé à l’installation d’une commission régionale des prix, dont est doté chaque gouvernera, pour conduire ces opérations d’inspection surprise et essayer de juguler la hausse surtout sur les prix des produits compensés et tous les prix encadrés. Dans certaines régions, bien que produits compensés et encadrés ne représentent guère plus de 20 % de l’ensemble des prix, le reste étant libre, ces campagnes de contrôle ont pu avoir un effet.
Il est cependant un fait qu’un vent de révolte souffle depuis quelques années sur les étals des commerçants de la capitale. Ils refusent d’appliquer les marges légales, qui n’auraient pas bougé depuis 2008. Ces commerçants n’ont désormais plus peur, ni des contrôleurs qu’ils agressent avec une facilité déconcertante, ni des PV de contraventions qu’ils déchirent allègrement, et même pas des amendes et des décisions de fermeture. Ces commerçants sont échaudés par ce qui se passe aux marchés de gros où les circuits de distribution ont été complètement déstructurés depuis 2011 et où chacun en ferait presque à sa tête.
Cette «découverte» de l’existence de taupes dans les services du ministère du Commerce n’arrange pas les affaires du ministre qui comptait sur ce corps des contrôleurs pour réussir son pari de la baisse des prix. Contacté par Africanmanager, le ministre Ridha Lahouel n’a ni confirmé ni infirmé ouvertement l’existence de taupes. Manifestement au courant, cependant, il nous ainsi assuré qu’il va prendre, directement et entre ses seules mains, cette question de la programmation des actions de contrôle surprise. Désormais, nous a-t-il assuré, il sera le seul à connaître l’agenda et le timing de sortie de chaque équipe et sa destination et le seul à dispatcher les équipes au dernier moment. Bon courage, Monsieur le ministre !
Khaled Boumiza
