AccueilLa UNEPolitique économique du gouvernement Essid :Problèmes de méthode et de diagnostic!

Politique économique du gouvernement Essid :Problèmes de méthode et de diagnostic!

Les raisons profondes pour lesquelles le peuple tunisien a brisé ses chaînes entre décembre 2010 et janvier 2011 sont bien explicitées par le slogan « travail, liberté, dignité nationale ». L’absence de perspectives économiques pour les jeunes, le blocage de l’ascenseur social, l’existence d’une mouvance du monde des affaires qui phagocyte l’économie tout en bénéficiant d’une couverture politique,… toutes ces raisons ont poussé les Tunisiens dans les rues et ont fait reculer le mur de la peur.

Que suggère alors la récente étude universitaire affirmant que le nombre de pauvres a augmenté de 30% dans notre pays ? Que comprenons-nous de la paupérisation de la classe moyenne et de l’effritement du pouvoir d’achat ? Qu’est-ce qu’il faut déduire du nombre record d’élèves qui ont quitté les bancs de l’école depuis le 14 janvier 2011 ?

Nous ne citerons ni la totalité des indicateurs économiques et financiers en dégradation, ni les trahisons faites à la souveraineté économique d’un pays en transition, ni les erreurs affligeantes dans la gestion des deniers publics. Le peuple avait raison de se soulever en 2010. Les mêmes raisons pour lesquelles il s’est soulevé sont encore des plaies ouvertes. Ces plaies se sont depuis infectées et la situation s’est alourdie par de nouveaux fardeaux : la dette, l’économie informelle et l’insécurité à nos frontières.

C’est dans ce contexte qu’il est légitime d’attendre un programme économique de rupture, conjuguant ambition et profondeur dans les propositions. Pour l’instant, cela n’a pas été possible pour plusieurs raisons. Nous n’en citerons ici que deux.

Un problème de méthode

La première raison est liée à un problème de méthode. Comparons les quelques jours qui ont suffi à la formation du Gouvernement Grec, un Premier Ministre de 40 ans et une Présidente du Parlement de 38 ans, avec celle des négociations pour former le nôtre. Beaucoup de Tunisiens ont ressenti un goût amer, presque une forme de « honte ». Comment un pays à genoux, en quasi faillite, arrive-t-il à relever la tête aussi vite au milieu des pressions Européennes et internationales ?

La réponse est aussi simple que désespérante. Les vainqueurs des élections en Grèce ont choisi d’exécuter un plan de route avec lequel ils ont mené la campagne. Ils savaient où ils voulaient aller que ce soit pour les 100 premiers jours ou pour l’issue voulue des pourparlers engagés avec tous ceux qui exerçaient des pressions à l’intérieur comme à l’extérieur. Ils ont confié la direction de la barre à des leaders politiques convaincus et convaincants qui assumeraient, avec ceux qui ont voté pour eux, leurs échecs éventuels. Nous avons fait le contraire en confiant à un homme indépendant la tâche de mettre d’accord les partis politiques. Chacun son programme. Chacun ses ambitions. A chacun revient « une part de tarte ». A l’arrivée, le jour où le vote de confiance a eu lieu, les Tunisiens n’ont pas pu comprendre ni le sens de la marche, ni la destination de la nouvelle politique économique. Voici que chaque ministre du gouvernement dispose de 10 jours pour remonter sa feuille de route. Ne faudrait-il pas 10 jours de plus pour consolider et renégocier ces diverses feuilles de routes individuelles pour les mettre en cohérence ? Avons-nous 20 jours au total pour réfléchir alors qu’on vient d’emprunter un Milliard de Dollars sans garantie sur les marchés internationaux car les caisses étaient vides ?

Un problème de diagnostic

La seconde raison pour laquelle le programme économique n’est pas encore lisible à ce jour, est liée à un diagnostic inadapté. Sur la sécurité, nous n’avons pas besoin de plus de moyens , quoique cela reste bien utile. La Tunisie a besoin de renseignements efficaces et d’une « non ingérence absolue » du « politique » dans le fonctionnement des services de l’ordre et de l’armée. Sur le pouvoir d’achat, l’augmentation de l’aide aux familles nécessiteuses ne leur donnera pas du pouvoir d’achat car l’inflation l’engloutira, comme un puits sans fond. Au mieux, ce serait du saupoudrage. Au pire, du gaspillage des deniers publics. En revanche, la Tunisie a besoin de se remettre au travail pour retrouver des niveaux de productivité et une stabilité de l’environnement social à mêmes de donner des opportunités aux chômeurs diplômés comme aux plus pauvres. Sur l’agriculture et les niveaux records des prix des denrées alimentaires, rien ne sert d’effacer l’ardoise de crédits des petits producteurs puisque ce sont les distributeurs et les stockages abusifs qui asphyxient les baisses de prix possibles. En Tunisie, nous avons besoin de rendre l’investissement agricole attractif pour l’investissement privé et le financement bancaire, d’améliorer la production et la préservation du foncier en vue d’assurer notre sécurité alimentaire et économiser les devises qui servent à importer du lait et du bétail que nous sommes bien capables de produire nous-mêmes voir d’en exporter !

Et la liste des diagnostics inadaptés est encore longue. Peut-être que 10 jours de travaux individuels suffiront pour chaque ministre pour piocher dans le programme de son parti quelques mesures utiles. Les programmes des partis en coalition sont-ils, à ce point, compatibles ? Que feront les Ministres non adossés à aucun parti pour alimenter la feuille de route économique du pays ?

Rester optimiste faute de mieux

« Ce ne sont pas seulement les machines et les crédits qui font le progrès. C’est avant tout, la valeur des hommes », disait le Général De Gaulle. Il faut reconnaître que dans le Gouvernement Essid, bien des hommes et des femmes de valeur sont désormais aux commandes du pays. Ils viennent de prendre leurs responsabilités et doivent bénéficier de l’indulgence que nécessite le temps de faire le tour de leurs services et rencontrer leurs équipes un peu partout dans les régions. Nous n’avons pas vu le plan de sauvetage économique de notre pays et nous n’en pouvons pas deviner la réussite ou l’échec potentiel sans voir cette équipe à l’œuvre.

Le constat actuel reste tout de même bien amer : un Etat en lambeau, Capitaine et matelots debout, sur un bateau toutes voiles dehors, sans vents et sans carte ! Bonne chance…

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