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Moez Labidi : La sortie de la Tunisie sur le marché financier international est mal préparée et va nous coûter cher

« La dernière sortie de la Tunisie sur les marchés financiers internationaux pour un emprunt obligataire de un milliard de dollars, n’a pas reçu l’attention qu’elle mérite malgré son importance pour le pays. Un emprunt gigantesque, qui pose un certain nombre de questions », indique Moez Labidi, professeur en finance internationale dans une note rendu publique dimanche, 1er février.

Selon ses déclarations, cet emprunt pose un problème politique et institutionnel : « Est-ce que le gouvernement sortant avait la légitimité de prendre et d’appliquer une telle décision importante pendant la période même où le nouveau gouvernement était en train d’être constitué et alors qu’il n’y avait aucune urgence à le faire ? », s’est exclamé Labidi, avant d’ajouter qu’ il n’y a personne qui peut raisonnablement justifier la décision d’emprunter de tels montants pour cause d’urgence financière.

Il a, dans ce cadre, ajouté que même si de telles ressources étaient nécessaires pour l’année 2015, une sortie de la Tunisie aurait pu attendre encore quelques mois sans conséquence ou risques majeurs.

Cet emprunt pose aussi un problème technique et financier alors que le pays passe par une période politique encore difficile . « On peut raisonnablement penser que le pays avait tout intérêt à s’assurer d’une plus grande stabilité politique et d’une plus grande clarification de ses perspectives en matière de politique économique et sociale, ce qui aurait permis de créer les conditions d’une meilleure réception sur les marchés internationaux. La réception et les conditions du marché auraient été meilleures. Ceci exigeait simplement d’attendre un peu plus », a-t-l dit.

L’opération de sortie sur le marché financier est précipitée et mal préparée. Elle va coûter cher à la Tunisie. « En dépit du taux d’intérêt, qui traduit à quelques points de base près l’appréciation du risque Tunisie par les agences de rating, il est très maladroit de faire supporter à notre économie une marge qui est celle des pays les plus risqués dans un contexte de croissance molle », a avertit Labidi avant d’ajouter « avec des marges aussi élevées on peut solliciter des demandes importantes, mais ceci n’est pas un indicateur de succès ! Il est certes vrai que l’emprunt permet d’augmenter les réserves en devises de la Tunisie, et de constituer un matelas important. Mais est ce que nous avons besoin d’un matelas aussi épais aujourd’hui ? Le coût est exorbitant. Car il faut se rappeler que ce faisant nous empruntons des dollars à presque 6% que nous plaçons ensuite en tant que réserves au mieux à 1%, et c’est le contribuable tunisien qui paie la différence! ».

La sortie de la Tunisie sur le marché financier international pose aussi, selon Labidi, un problème d’arbitrage entre les sources de financement externe. « Les autorités tunisiennes ont-elles exploré toutes les alternatives de financement extérieur les plus favorables avant de se lancer sur les marchés financiers internationaux ? », s’est-il exclamé.

Il a indiqué que ces possibilités incluent les garanties de pays amis, les organisations internationales, des prêts syndiqués, etc … qui devraient se multiplier, une fois la stabilité politique serait de retour. De telles possibilités sont réelles mais n’ont pas été complètement explorées et exploitées, selon ses dires.

Moez Labidi a, à ce propos, appelé le ministre des Finances sortant, Hakim Ben Hammouda, le Gouverneur de la Banque Centrale, Chedly Ayari et toute l’équipe gouvernementale de Jomaa, à assumer une grande responsabilité dans cette opération précipitée, estimant que la responsabilité et la sagesse exigent le respect des institutions (attendre la formation du gouvernement ou le passage devant le parlement), de ne pas sombrer dans les comparaisons non fondées (emprunt national de 2014, emprunt en dollars de 2002, emprunt espagnol, …), car comparaison n’est pas toujours raison

Cela exige également d’attendre la formation du prochain gouvernement et la clarification de ses orientations économiques et l’amélioration des notations financières (prévues à partir du mois de mars) qui en résulte, pour profiter d’un coût de financement plus intéressant sur les marchés, de se limiter à 500 millions de dollars pour gagner quelques points de base sur le coût de l’emprunt et d’être plus sélectif sur les gestionnaires de fonds (des investisseurs longs plutôt que des hedges funds). Tout cela aurait permis au pays d’échapper à une gestion coûteuse des réserves de change.

Le nouveau gouvernement doit assumer les retombées de cette décision dont les dividendes restent minimes. « Les « chercheurs de succès » se trompent de terrain. Ce n’est pas à la porte des marchés financiers, qu’ils peuvent arracher des trophées. C’est plutôt en montrant leur fermeté pour ramener l’ordre dans le bassin minier. C’est aussi en montrant leur détermination pour combattre le banditisme dans les circuits de distribution. Et enfin, c’est en attirant les IDE, en ramenant le déficit courant à son niveau raisonnable, en déminant le climat social, en instaurant la bonne gouvernance dans l’administration et les entreprises publiques,….qu’ils peuvent se vanter de montrer leurs exploits », a-t-il conclu.

Kh.T

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