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Tunis : Béji Caïd Essebsi est une chance pour la Tunisie, selon le Financial Times

Le célèbre journal britannique « Financial Times » considéré comme le quotidien économique de référence en Europe, vient de publier un long article sur la Tunisie telle qu’elle commence à être gouvernée par le président de la République Béji Caïd Essebsi, sous la plume de deux de ses journalistes, Lionel Barber and Roula Khalaf.

Dans l’intervalle de ses 86 et 88 ans, Béji Caïd Essebsi a fondé un parti politique, a remporté deux élections, dont une pour la présidence, et s’est érigé comme le politicien le plus puissant de Tunisie. Quatre ans après la révolution qui a bouleversé son pays et a enflammé le réveil arabe, le vétéran de la politique prépare sa prochaine initiative, souligne d’emblée le quotidien.

La Tunisie est relativement une oasis dans un environnement dangereux, étant le seul survivant démocratique des soulèvements populaires de 2011. La Libye, le Yémen et la Syrie, ainsi que l’Irak, demeurent en proie à des conflits ethniques et religieux, alimentés par des groupes islamiques radicaux qui exploitent le vide du pouvoir laissé par les autocrates renversés.

Le petit Etat d’Afrique du Nord se distingue par ses dirigeants politiques qui ont opté pour cette denrée rare arabe, le compromis, ajoute-t-il. Ennahdha, son propre parti islamiste, a abandonné le pouvoir sous la pression populaire et s’est conformé aux résultats des élections. La transition est encore fragile mais la Tunisie offre une lueur d’espoir que la démocratie à l’occidentale et l’islamisme peuvent coexister paisiblement dans un Etat arabe de la rive sud de la Méditerranée.

«La Tunisie est une civilisation qui remonte à 3000 années – nous avons eu un Etat à l’époque. Tout au long de l’histoire et depuis, elle fut l’un des premiers pays à se doter d’une constitution « , rappelle Béji Caïd Essebsi installé dans l’élégant palais présidentiel de Carthage construit dans les années 60. «Nous sommes aussi un pays du « juste milieu », nous ne sommes jamais allés aux extrêmes. Et chaque fois que nous dérivons vers l’extrême, nous retournons au dialogue. C’est la Tunisie.  »

Le serein Essebsi à la voix calme et posée a émergé après la révolution comme une figure paternelle rassurante qui a rappelé aux Tunisiens l’ère de feu Habib Bourguiba, le fondateur résolument laïc de la Tunisie moderne, dont le portrait, celui d’un jeune homme fringant, trône au dessus du bureau présidentiel.

Et le Financial Times d’ajouter : « Face à la rapide ascension Ennahdha après la révolution, Essebsi a rassemblé autour de lui différentes forces anti-islamistes, certains gauchistes, dont certains du régime précédent, et de nombreuses femmes, sous la bannière de Nidaa Tounès, un parti libéral. Nombreux sont les sceptiques qui craignent que Nidaa ne soit rien de plus qu’un nouveau visage de l’ancien parti au pouvoir autocratique. Le président insiste que la Tunisie ne renouera jamais avec le passé. « Il n’y a pas de risque du tout», dit Essebsi. « Ces inquiétudes ne sont pas fondées. »

Un voisinage trouble

En 2013, la Tunisie a été paralysée par des grèves et minée par l’insécurité. Le jihadistes libérés de prison ont commencé à s’organiser et, aidés par le chaos dans la Libye voisine, les réseaux de recrutement pour la guerre civile en Syrie étaient en plein essor. Et les partis politiques naissants, savourant encore la liberté au sortir du régime de l’autocrate corrompu et brutal Zine el-Abidine Ben Ali, étaient à couteaux tirés.

Mais contrairement à ses voisins turbulents, la Tunisie sunnite avec une population de 11 millions, était assez petite et religieusement assez homogène pour rester unie. Au rebours de l’Egypte où une armée forte a constitué l’épine dorsale des régimes autoritaires, la Tunisie a eu la bénédiction d’avoir une large classe moyenne et un mouvement syndical puissant, mais surtout un groupuscule de politiciens avec un sens profond de la responsabilité nationale.

Alors que les Tunisiens envisageaient l’abîme entre 2012 et 2013, un dialogue national parrainé par le syndicat a permis aux islamistes aussi bien au camp d’Essebsi de faire machine arrière. Il y avait beaucoup d’électricité dans l’air entre lui et son vis-à-vis islamiste, Rachid Ghannouchi, mais ces « pires ennemis » ont trouvé un moyen de travailler l’un avec l’autre. « Nous ne sommes pas des alliés», dit Essebsi, tout en reconnaissant qu’une dose de confiance mutuelle est une «nécessité».

Sur l’avenue Habib Bourguiba dans le centre de Tunis, où les plus grands rassemblements contre Ben Ali ont eu lieu en 2011, les rues étaient bondées, la semaine dernière, avec la foule célébrant le quatrième anniversaire de la révolution. Islamistes et gauchistes laïques ont défilé séparément, scandant des slogans au milieu d’un vacarme de klaxons et de chants patriotiques. Les échanges étaient parfois vifs, signe de la polarisation sous-jacente dans le pays.

La transition ayant été achevée, la question qui se pose est de savoir si le parti Nidaa Tounès de BCE va former un gouvernement d’union nationale avec les islamistes. Le président a déjà nommé un technocrate, le Premier ministre indépendant, Habib Essid, soutenu par Ennahdha.

Les islamistes, crédités de la seconde position dans les élections, semblent intéressés par une coalition avec Nidaa mais le président ne s’engage pas. «Les gens qui ont voté pour nous sont contre la participation d’Ennahdha au gouvernement », dit-il.

Un gouvernement d’union garderait ostensiblement en l’état le consensus et rassemblerait les parties autour d’un programme de réforme économique ambitieux. Le chômage, la pauvreté, les finances publiques détériorées et un manque d’investissements nationaux et étrangers ne laissent au gouvernement qu’une mince marge de manœuvre. Malgré les progrès politiques, notamment une constitution type, les problèmes économiques ne font que s’entasser, et la Tunisie a reçu un soutien financier maigre, à la fois de l’Europe et les Etats arabes les plus riches du Golfe.

Essebsi se plaint que très peu des fonds promis lors du sommet du G8 à Deauville 2011 aient été concrétisés, ce qui donne à penser que l’accession d’un parti islamiste au pouvoir après le sommet n’a pas encouragé la mobilisation d’un soutien international. « J’espère que maintenant, ils [la communauté internationale] n’ont plus aucune excuse. »

Pas de temps à perdre

Le budget a explosé alors que les gouvernements successifs – il y en a eu cinq depuis 2011 – ont répondu aux troubles sociaux avec une quadruple hausse des salaires et le recrutement d’une partie des chômeurs dans un secteur public pléthorique. La dette publique est passée de 32 à 50% pour cent du produit intérieur brut.

Pendant ce temps, l’économie informelle, notamment la contrebande, a proliféré à un point tel qu’elle représente 40 pour cent de l’économie, selon les hommes d’affaires locaux. « Personne ne calcule le coût de la révolution», explique Fadhel Abdelkafi, patron de Tunisie Valeurs, une entreprise spécialisée dans l’investissement. « C’est grave. »

Les entreprises craignent que plus le gouvernement est large, moins il sera efficace. Interrogée si elle favorise un gouvernement d’unité nationale, Wided Bouchamaoui, la fougueuse présidente de la confédération tunisienne des employeurs privés, oppose un «non» catégorique. À son avis, la Tunisie a besoin d’un gouvernement  » ayant le pouvoir de décider et un programme à défendre ».

La Tunisie n’a pas de temps à perdre. L’année dernière, un gouvernement de technocrates s’est attelé à freiner les dépenses. Les prévisions ont tablé l’année dernière sur un déficit budgétaire de 6 pour cent du PIB, mais on a fait mieux que prévu avec 4,9 pour cent. Le déficit du compte courant, 8 pour cent du PIB, est plus troublant. Mais le pays est profondément dépendant des marchés européens qui sont aux prises avec une faible croissance et la déflation. La croissance pour l’ensemble de l’année en Tunisie sera en deçà de 3 pour cent en 2014, moins que celle des années avant la révolution et loin des taux de 7-8 pour cent qui donneraient une chance au pays de créer suffisamment d’emplois pour répondre aux besoins des jeunes désœuvrés qui ont déclenché le soulèvement.

Les analystes et les banquiers parlent, en fait, de deux Tunisie: l’une est productive et concentrée dans les zones côtières; l’autre se trouve à l’intérieur du pays où la révolution a commencé, et dans les « badlands » du Sud, où la contrebande sévit. Certaines estimations suggèrent que jusqu’à 1 million de Tunisiens vivent exclusivement de la contrebande en tous genres, de l’énergie subventionnée aux produits alimentaires.

« La situation sociale est catastrophique», explique Michael Ayari, l’analyste chargé de la Tunisie à l’International Crisis Group. Il a souligné que, alors que les tensions entre islamistes et non islamistes ont dominé le débat politique, les fractures les plus inquiétantes sont les disparités entre les régions, avec celles négligées et encore plus frustrées aujourd’hui parce qu’elles ont voté en majorité pour l’adversaire de Caïd Essebsi aux élections présidentielles, indique le Financial Times.

L’appel des jihadistes

Alors que le gouvernement d’Ennahdha a pris trop de temps pour sévir contre les islamistes radicaux, Essebsi est déterminé à consolider les progrès réalisés au cours de la dernière année, à un point tel que certains analystes craignent un retour de la politique de main de fer de l’Etat, note le journal.

Le président de la République a affirmé les forces de sécurité passent maintenant à l’offensive et s’inquiète de la menace posée par le retour des djihadistes de Syrie. Il estime que la lutte contre le terrorisme ne peut être menée uniquement par des mesures de sécurité.

 » On a besoin de politiques sociales qui s’attaquent aux causes profondes du terrorisme, je sais que c’est un phénomène international, mais la participation des Tunisiens y est également liée à la situation économique, » dit-il. «Nous devons penser à une stratégie globale pour toute la région et l’Europe n’est pas protégée non plus », a-t-il fait remarquer.

L’UGTT, “régulateur” de la scène politique

Depuis le renversement de Zine el-Abidine Ben Ali, l’UGTT a de nouveau émergé comme le plus important courtier politique du pays, aidant à combler le fossé entre islamistes et les camps anti-islamistes, souligne le journal.

Hassine Abassi, son secrétaire général est bien conscient de sa puissance. « C’est une équation difficile de jouer un rôle national, concilier entre les différents acteurs et préserver les intérêts sociaux et économiques de vos membres. . . Rarement des syndicats jouent deux rôles « , dit-il. « Mais ce n’est pas un mandat étrange pour l’UGTT », a-t-il dit.

L’UGTT, ajoute-t-il, officie maintenant comme un «régulateur» de la scène politique. Son rôle, cependant, est de susciter l’inquiétude dans le milieu des affaires, et ce qui inquiète, c’est cette autorité surdimensionnée du syndicat, et la pression pour des hausses de salaires, pourrait entraver la libéralisation économique. Abassi dit qu’il soutient les réformes, mais seulement dans le cadre d’un nouveau modèle de développement qui déplace l’attention sur les régions défavorisées et les besoins des chômeurs.

« La révolution a éclaté . . . à cause d’un modèle de développement injuste et un manque de répartition équitable des richesses entre les régions et les secteurs « , a-t-il souligné.

Aujourd’hui, dit-il, seuls les travailleurs paient des impôts, tandis que l’économie informelle prospère et le capital fuit le pays. « Nous soutenons une réforme fondamentale et globale, » conclut Abassi.

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