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Tunis : Les archives, un fonds de commerce politique !

L’acharnement de l’Instance Vérité et Dignité (IVD) à s’approprier les archives de la présidence de la République, avant le départ de Moncef Marzouki (fin décembre 2014), suscite beaucoup de questions. Pourquoi transférer matériellement les archives et pourquoi le faire maintenant ?

Dans toutes les décisions se rapportant aux archives de l’Etat tunisien et la littérature juridique de la justice transitionnelle, il était question de permettre à l’IVD d’accéder à ces archives pour diligenter les enquêtes et instruire les dossiers qui lui sont soumis. L’autre volet de la question à savoir la sauvegarde et l’utilisation à long terme de ces archives, a été confié à une commission spécialisée qui n’a pas été, jusqu’à présent, constituée. Tous ces éléments donnent à penser que ces archives sont convoitées non à des fins techniques dans le cadre de la justice transitionnelle, mais pour des raisons essentiellement politiques.

En fait, une coordination avec le président élu était nécessaire, et le Directeur général de la Sécurité présidentielle Taoufik Gasmi, a affirmé, samedi, dans une déclaration au journal « le Maghreb », que ses services qui avaient pressenti une polémique au sein de l’opinion publique au sujet du transfert des archives présidentielles aux locaux de l’IVD, en cette période, ont suggéré à Sihem Ben Sedrine de coordonner avec les Présidents sortant et élu. Taoufik Gasmi a ajouté qu’elle n’a rien fait dans ce sens, soulignant que ses services ne pouvaient pas, dans ces conditions, dépasser le président élu. Il a rappelé que ce n’est qu’après cet incident que le chef du cabinet présidentiel, Sami Ben Amara, a pris contact avec Ridha Belhaj, proche collaborateur de Béji Caïd Essebsi (BCE) pour la recherche d’un accord sur une issue à cette crise. Des informations ont fait état, dimanche, d’une réunion qui se tiendra entre BCE et le comité directeur de l’IVD, mercredi, pour résoudre ce problème.

Les observateurs ont relevé que la motivation principale de la présidence de l’IVD pour faire le transfert au plus vite et avant même la passation des pouvoirs entre les deux présidents de la République, est sa crainte de voir ces archives détruites, ou de se voir empêchée d’y accéder.

Or, ces mêmes observateurs rappellent que BCE est un homme d’Etat et qu’il ne peut ni faire obstruction à une instance constitutionnelle pour accéder à un matériel nécessaire à l’accomplissement de sa mission, ni détruire des archives qui font partie du patrimoine du peuple et de l’Etat tunisiens.

D’ailleurs, beaucoup de révolutionnaires de l’après 14 janvier 2011 ont prétendu, sans en fournir la moindre preuve, que les agents de l’administration et les équipes gouvernementales successives (jusqu’au 23 octobre 2011) ont procédé de manière systématique à la destruction des preuves qui devraient accabler les serviteurs de l’ancien régime. Au demeurant, nombre de ces révolutionnaires expliquent par ces faits le non aboutissement de tous les procès contre les anciens responsables et les non lieux prononcés à leur endroit.

Ce sont là les considérations politiques (et sécuritaires) qui auraient inspiré les velléités de l’IVD de mettre la main et avant le départ de Moncef Marzouki de Carthage sur les archives présidentielles.

Mais ces considérations ne peuvent pas à elles seules expliquer cette attitude bizarre de la part d’une institution constitutionnelle. Trois initiatives finissent par convaincre tout le monde que Marzouki et ses collaborateurs intègrent dans leur « combat » politique l’utilisation comme bon leur semble le patrimoine de l’Etat et ses archives pour affermir le cours révolutionnaire du 14 janvier 2011, quitte à ne pas tenir compte de la souveraineté de l’Etat, ne pas respecter les droits de l’homme et enfreindre les lois sur la vie privée des Tunisiens.

La première (et plus importante) initiative était celle de la compilation et de la publication de la présidence de la République en novembre 2013 du fameux « Livre Noir ».Le président Marzouki et ses conseillers ont utilisé les données personnelles de centaines de citoyens tunisiens sous couvert de la lutte contre « les médias de la honte ». En réalité, ils voulaient lancer la précampagne électorale de Marzouki . Et devant le tollé général provoqué par ce livre, et éludant le tort causé aux citoyens cités, Moncef Marzouki et ses collaborateurs ont soutenu que le processus de la justice transitionnelle n’a pu s’engager que grâce à cette initiative.

La deuxième est celle de l’ancien conseiller de Marzouki pour la communication qui a donné un éclairage sur les circonstances de la confection de ce fameux « Livre Noir », et l’autorisation donnée par les collaborateurs de Marzouki à des chaînes étrangères dont Al Jazeera, de filmer des copies des documents des archives présidentielles. Messaoudi écrit vendredi 29 novembre 2013, sur son blog ce qui suit : « A la découverte de cette démarche ( associer le Syndicat National des Journalistes Tunisiens(SNJT) et des universitaires) proposée par Ayoub Massoudi pour traiter les archives du département de la communication, le directeur de cabinet(de l’époque Imed Daimi), a transféré ces archives noires à un autre membre « plus proche » au sein du cabinet, afin d’en faire le « bon usage » .Et Messaoudi d’ajouter : »J’ai alors découvert entre autres qu’on a permis à des médias étrangers comme Aljazeera d’utiliser certains documents, les filmer… ».

Et tout le monde sait l’usage fait par Al Jazeera de tout ce qui lui passe sous la main , en se rappelant du triste documentaire sur l’assassinat de Chokri Belaid , qu’elle s’apprêtait à diffuser en pleine campagne électorale tunisienne.

La troisième initiative est celle annoncée par Adnane Mansar , directeur de la campagne de Marzouki , sur un plateau de télévision. Il était aux côtés de Riadh Lamoukher, représentant de Afak Tounès, et engagé dans la campagne de Béji Caïd Essebsi. Mansar a voulu attaquer Lamoukher en insinuant qu’il n’était pas en règle avec le fisc. Et devant la réaction claire du militant d’Afak Tounès qui a récusé cette accusation, Adnane Mansar, en guise d’intimidation, lui a dit : « Est-ce vous voulez que j’exhibe votre bulletin N°2 ». Et de cette manière, on s’aperçoit que les collaborateurs de Marzouki utilisent les mêmes procédés que Ben Ali qui donnait carte blanche à ses policiers pour utiliser les bulletins N°2 des militants des droits de l’homme et des opposants pour les intimider. Et on assistait depuis les années 1990 et surtout à partir de 1995 à des hommes de médias et de culture et des universitaires parler des données personnelles de leurs adversaires , données puisées dans ce qu’ils appelaient les bulletins N°2 délivrés par leurs officiers traitants pour ramener journalistes et intellectuels réfractaires à l’ordre.

Les victimes utilisent les mêmes procédés que leurs anciens bourreaux. Drôle de révolution.

Aboussaoud Hmidi

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