AccueilLa UNETunis-FP : Barrer la route à Marzouki, est-ce assez ?

Tunis-FP : Barrer la route à Marzouki, est-ce assez ?

Le Front Populaire (FP) n’a pas fini de surprendre. D’abord, en mettant du temps pour dévoiler sa position au sujet du second tour des présidentielles, puis en ne parvenant pas à en convaincre quiconque, une fois annoncée.

Cette position est en totale rupture avec les traditionnelles positions politiques, dans les grands tournants historiques, qui exigent d’habitude clarté et efficacité. Or la dernière position annoncée par le FP ne se réclame ni de l’une ni de l’autre.

Pour ce qui est de la clarté, on peine à comprendre l’objectif visé. Le FP exhorte ses électeurs à barrer la route au candidat Moncef Marzouki, soulignant que cela n’implique pas un chèque en blanc au candidat Béji Caïd Essebsi (BCE).Le Conseil des Secrétaires Généraux des partis qui forment le FP reviennent à leur chère vision des choses (on est des gens à part, n’étant ni l’un ni l’autre), reprochant à Marzouki son discours de division et au candidat de Nidaa Tounes son indécision de rompre avec Ennahdha. BCE n’arrive pas à arrêter définitivement ses choix de société en relation avec le parti islamiste, disent-ils dans leur communiqué publié aujourd’hui.

Tout le monde s’est posé la question cruciale : comment l’électorat du FP, qui déborde largement les intellectuels de gauche habitués aux luttes syndicales et sur le terrain des droits de l’homme, va-t-il se retrouver dans une formule si subtile et mettre en pratique une telle consigne de vote. C’est vrai que la formule rappelle la situation du Parti Socialiste Français en 2002, lorsque le deuxième tour des présidentielles françaises avait opposé Jacques Chirac à Jean-Marie Le Pen, mais la situation actuelle tunisienne n’est pas comparable à la française de 2002.

La Gauche et surtout sa frange extrême a érigé après la révolution, comme mot d’ordre, le culte de rompre avec l’ordre établi avant le 14 janvier2011, croyant pouvoir balayer au passage tout ce qui se rapporte au passé, et tout reconstruire à zéro. L’islam politique profite non seulement du mot d’ordre, mais de la dynamique déclenchée au cours du processus de la Constituante pour imposer son projet de société comme alternative à celui mis en œuvre depuis l’Indépendance et se poser comme recours et arbitre entre les forces qui ont milité pour instaurer la démocratie et la bonne gouvernance dans le pays. Ce processus qui a servi Ennahdha sous couvert de la troïka a été vite dénoncé par ses artisans de l’extrême-gauche à la faveur du nouvel équilibre instauré depuis mars-juin 2012, avec l’émergence de Nidaa Tounès. Et au-delà des nouvelles alliances qui se sont établies depuis, c’est la nouvelle conscience qui a été relevée par les observateurs. L’enjeu n’est plus, aux yeux de la gauche et de l’élite moderniste en général, tant la rupture avec le passé que la sauvegarde du projet de société qui est menacé par une islamisation à toute allure.

Cette approche était le levier qui a permis à BCE et à Nidaa Tounès d’émerger en quelques mois et la plateforme qui unissait tous les démocrates et modernistes du pays.

Or le FP, qui devrait s’investir pour faire triompher cette vision des choses et réclamer, en contrepartie, l’adoption des volets qui revêtent un caractère prioritaire de son programme en rapport avec son poids politique réel sur la scène publique et son apport pour cette victoire, a préféré ne pas s’impliquer dans cette ultime bataille qui est ressentie par les Tunisiens comme un moment historique qui leur a permis de récupérer leur pays et leur projet de société.

On est là en plein dans le souci d’efficacité qui devrait guider n’importe quelle formation politique, et justifier toute position politique.

L’efficacité doit permettre aux acteurs politiques de traduire leurs succès dans les différentes étapes en acquis réels pour l’étape à venir. Or, ce à quoi on assiste maintenant, c’est une incapacité du FP de réaliser des acquis lui permettant d’être représenté dans les instances du pouvoir et les structures de l’Etat.

Bien que très attendues, les performances de cette formation inédite qu’est le FP, donnaient l’air de la déstabiliser au lieu de la servir.

L’unité de cette alliance au référentiel multiple, se comportant pourtant comme un parti politique homogène, a été assurée, jusque-là, par un radicalisme qui se veut pur et dur, l’éloignant aussi bien des formations de droite que des modérés du centre. Son projet est resté décalé par rapport à l’évolution de l’économie, aux centres d’intérêt des élites et du « tempérament général » de l’opinion publique et du citoyen ordinaire. A cela s’ajoute un manque d’expérience dans la gestion de la chose publique. Ce double handicap explique-t-il ce choix de rester à mille lieues des autres formations et des exigences du moment, ou bien c’est l’attentisme et le manque d’initiative qui est pris par les leaders du FP pour un garant d’une unité qui perd malheureusement de son efficience à mesure qu’il immobilise les énergies.

Aboussaoud Hmidi.

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