AccueilLa UNETunis : Les échecs patents de l’alliance Ennahdha-CPR

Tunis : Les échecs patents de l’alliance Ennahdha-CPR

Quatre éléments ont été relevés ces derniers jours indiquant l’échec patent de l’alliance Ennahdha-CPR. C’est grâce au Dialogue national et à l’éveil de la société politique et de la société civile, que ces échecs ont eu lieu. D’abord, la lettre adressée par le président de la République sortant à Béji Caïd Essebsi (BCE), en sa qualité de président du parti qui a recueilli le plus de sièges à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour proposer un chef de gouvernement. Moncef Marzouki s’est rétracté, suite au refus du parti concerné de céder au diktat du président sortant et à une levée de boucliers d’une pléiade d’experts en droit constitutionnel ainsi que de l’establishment politique et de la société civile représentés par le Dialogue National, stigmatisant cette démarche. D’ailleurs, les dirigeants de NidaaTounès ont relevé que la procédure n’a pas respecté les règles d’usage, car normalement le président de la République reçoit le chef du parti vainqueur et lui transmet de manière solennelle et de main en main la lettre le chargeant de désigner le chef du gouvernement, mais Marzouki a préféré envoyer la lettre dégarnie des moindres formules de politesse d’usage et par motard. Le Dialogue National a enregistré cette marche arrière de Marzouki et décidé que le dossier sera traité après le deuxième tour des présidentielles.

Le deuxième élément touche aux innombrables recours adressés par le candidat Moncef Marzouki au Tribunal Administratif(TA) contre des dépassements qui ont été relevés par ses observateurs dont la majorité est issue du parti islamiste, lors du scrutin présidentiel. Ces recours, qui ne devraient influencer en rien les résultats du vote et les appels qu’ils pourraient susciter par la suite, visent, en fait, à retarder le plus possible le deuxième tour du scrutin. Le Dialogue national qui ne peut s’opposer au principe de la démarche parce qu’elle relève d’un droit constitutionnel, redoute leur exploitation par l’équipe de la campagne du Président sortant. Et pour éviter une telle situation, le Dialogue National a chargé Rached Ghannouchi d’en dissuader Marzouki, et il semble avoir réussi à le convaincre. Les recours vont rester mais il n’y aura pas d’appel au cas où ils seraient rejetés par le TA. Le président de l’ISIE, Chafik Sarsar a vite réagi à cette information en évoquant, au grand bonheur des Tunisiens, la possibilité de fixer le 14 décembre comme date du second tour.

Le troisième élément touche aux manifestations à répétition qui sont organisées par la mouvance islamo-nationaliste dans les villes du Sud tunisien (jeudi pour Médenine et Ben Guerdène , vendredi pour Tataouine, samedi pour Gafsa et Kébili). Les manifestants disent protester contre BCE qui a insulté les gens du Sud et s’est attaqué à eux dans une déclaration en français à RMC. Cependant, l’Association Mourakiboun qui a fait la transcription de l’interview incriminée a remarqué que le terme « sud » n’y figure pas, soulignant que les réactions de certains électeurs étaient basées sur l’interprétation qui en a été faite par des dirigeants du CPR et du mouvement Ennahdha, et non sur ce qu’a effectivement dit BCE . C’est dans ce cadre que Rached Ghannouchi a demandé à Moncef Marzouki de faire cesser ces manifestations qui sont devenues contreproductives. Le chef du parti islamiste a appelé à l’apaisement et à l’arrêt des protestations eu égard au caractère délicat et sensible de la question et de la situation actuelle du pays.

La réponse au quatrième élément n’est pas venue du Dialogue National, de la société politique ou de la société civile, mais du ministère de l’Intérieur (MI) lui-même. Marzouki avait exprimé, vendredi, sa désolation d’apprendre qu’un homme a été tué, à Médenine, lors des manifestations déclenchées en réaction aux propos de certains politiciens, en faisant allusion à son rival, BCE.

Le MI a aussitôt publié un communiqué dans lequel il précisait que l’individu décédé, le 27 novembre 2014, est décédé en tombant du toit d’une maison se situant à 500 mètres de la route fermée par les protestataires entre Beni Khdech et Médenine, et ce constat a été fait par le médecin légiste qui a confirmé que le décès s’est produit à cause d’une chute d’un endroit surélevé.

Le MI a souligné que la mort n’a de lien avec aucun autre incident, niant, ainsi, tout rapport de causalité entre le décès et les manifestations qui ont eu lieu, vendredi, à Médenine, ajoutant qu’une enquête est en cours pour élucider les circonstances de la mort.

Tous ces éléments dessinent les contours de la stratégie de la campagne suivie par le tandem CPR-Ennahdha pour faire basculer l’opinion publique en faveur de Marzouki. Mais ces éléments peuvent nous faire oublier d’autres signaux beaucoup plus importants qui ont été envoyés ou reçus par les uns et les autres depuis le démarrage de la campagne et qui ont abouti à cette confusion, et à l’engagement d’Ennahdha aux côtés de Marzouki amenant le scrutin à passer au second tour pour départager les candidats.

Le premier signe a été donné par BCE, lors du meeting d’Al Menzah, dans lequel il a affirmé que la divulgation de tous les secrets de l’assassinat de Chokri Belaid est une affaire de salut national. Il a souligné qu’une de ses premières missions s’il est élu Président de la République, sera de porter au clair ce dossier (qui a exécuté, qui a commandité, qui a financé et qui a armé ?).Or, quelques jours plus tard, Lotfi Ben Jeddou a révélé, dans une interview accordée au journal algérien Al-Khabar, du 29 novembre 2014, que ce sont certains riches des pays du Golfe, parmi ceux qui adoptent la pensée « takfiriste » qui financent les groupes terroristes. Et on sait que Nabil Al Awadhi, l’un des prédicateurs koweitiens qui a été mis sur la liste noire des bailleurs de fonds du terrorisme a été accueilli en grande pompe en Tunisie et reçu même par des officiels au salon d’honneur de l’Aéroport Tunis-Carthage.

Le signal envoyé par BCE a bouleversé la donne politique et aurait décidé les islamistes à soutenir, en désespoir de cause, Marzouki. Ce choix aurait créé les conditions du passage au second tour qui n’était pas prévu par les puissances occidentales qui voulaient que la Tunisie passe la période transitoire dans les plus brefs délais pour entamer la construction économique.

Beaucoup d’éléments vont s’enchaîner. L’irritation de BCE face au comportement électoral d’Ennahdha, la réponse évasive, mais tout de même claire de Lotfi Zitoun qui a affirmé sur un plateau de télévision qu’Ennahdha n’a pas trahi BCE, lors du scrutin, le débarquement de Abdelfattah Mourou de l’avion , et l’autorisation qui lui a été donnée le lendemain de voyager aux Etats-Unis , avec un autre visa de courte durée, suite à l’annulation du premier de dix ans.

C’est dans ce cadre que s’inscrit le brouillage du tableau de bord par les quatre éléments et le virage dangereux pris par la campagne électorale de Marzouki, Ennahdha et le courant nationaliste arabe, où l’on a commencé à toucher à l’intégrité territoriale du pays et l’unité de son tissu social, pour des considérations électorales. Mais cette démarche serait dangereusement maladroite si elle avait des objectifs purement tunisiens et électoraux, mais elle serait encore plus grave si elle visait à retarder une réaction régionale et internationale contre les développements de Libye qui sont une bombe à retardement contre la Tunisie et l’Algérie, de l’avis de Lotfi Ben Jeddou, dans sa dernière interview au journal algérien Al Khabar.

Aboussaoud Hmidi

- Publicité-

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -