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Tunis : Le drame cornélien d’Ennahdha

Le parti Ennahdha s’est trouvé, après les législatives, confronté à des dilemmes difficiles à résoudre. D’abord, le parti islamiste qui comptait remporter largement le scrutin et occuper la première place, pour être chargé de former le gouvernement n’a pas atteint son objectif. Il n’a été classé que deuxième et a vu cet avantage revenir à son rival NidaaTounès. Ensuite, la promesse faite solennellement pour rassurer les Tunisiens de ne pas avoir de candidat aux présidentielles et éviter l’accumulation des premières responsabilités, a perdu son sens, illustrant l’échec d’Ennahdha sur toute la ligne en perdant à la fois les trois premiers postes.

Enfin, le parti islamiste qui voulait avoir une position confortable, en empochant deux acquis (la présidence de l’Assemblée des représentants du Peuple (ARP) et avoir la haute main sur la présidence du gouvernement) et arbitrer parallèlement la troisième présidence, (celle de la République) a non seulement perdu les deux premières, mais s’est mis dans une situation inextricable pour la troisième. Il s’est trouvé déchiré entre une base encline à soutenir un président révolutionnaire et une direction prête à composer avec la première force politique du pays pour trouver une issue à la crise aux aspects multiples : sécuritaire qui commence à inquiéter, institutionnelle qui se profile, suite à un manque de majorité qualifiée pour le premier vainqueur, et économique qui pèse sur les poches et les esprits.Tout cela s’ajoute à des engagements émanant des alliances internes et régionales pris par les islamistes tunisiens, qui les ont mis dans une situation leur imposant le soutien de partis ne représentant plus rien sur la scène politique.

Ennahdha, qui a fait de mauvais calculs et misé sur un prompt redressement de son image politique, s’est trouvé avec un électorat de 820.000 voix qui ne va pas avoir un effet notable sur le scrutin présidentiel. Cette masse électorale motivée et hautement politisée a été carrément neutralisée par des choix politiques irréalistes et une stratégie de communication à effet nul sur les franges de la population au-delà des bases islamistes acquises à la cause.

Confiant dans son poids sur la scène politique, le parti Ennahdha a suivi la même démarche qu’en 2011 : appuyer des formations politiques qui concordent avec ses orientations du moment et servent son image de parti religieux modéré qui ne répugne pas les alliances avec les laïques et les sociaux-démocrates. A l’époque, c’était Ettakattol et le CPR qui correspondaient au casting, et ils avaient bénéficié de son soutien et de ses largesses, l’objectif étant de démontrer à l’opinion publique internationale et aux puissances occidentales que les islamistes tunisiens peuvent trouver un arrangement avec des laïques (le CPR) et des sociaux-démocrates (Ettakattol) pour faire aboutir la transition. Le schéma n’a pas donné de résultats probants, mais l’attitude d’Ennahdha n’a pas changé d’un iota.

Pour 2014, les législatives n’ont pas donné de marge au mouvement islamiste pour soutenir les alliés du moment, lors du vote. Les présidentielles, c’est un autre chapitre. Le parti islamiste les a dédiées, à l’avance, aux amis et alliés. Seulement, les choses se sont mal présentées, car les postulants sont nombreux et les nouvelles réalités sont contraignantes. La formation islamiste s’est incrustée dans une dynamique politique qui l’oblige à choisir comme partenaires des forces politiques de moindre poids ou des individualités politiques qui n’ont aucune chance d’accéder à la magistrature suprême sans le concours des bases d’Ennahdha. Une équation politique dont les islamistes n’attendent pas un gain, sauf disperser l’électorat qui peut voter Béji Caïd Essebsi(BCE) au premier tour et choisir, au deuxième tour, celui qui peut travailler son agenda, quitte à ce que soit BCE lui-même.

Ce sont là les grands objectifs du moment, mais les moyens utilisés rendent leur réalisation plus que problématique.

Le Conseil de la Choura du vendredi 7 novembre 2014, a décidé de ne soutenir aucun candidat aux présidentielles, et de rester à égale distance de tous les présidentiables, libérant ainsi l’initiative de ses bases pour voter selon leur âme et conscience. Or, tout le monde sait que les bases islamistes sont enclines à voter Moncef Marzouki. D’ailleurs, Imad Daimi secrétaire général du CPR, a compris le message, et l’a fait savoir en déclarant au cours d’un meeting populaire tenu à Médenine que la décision du Conseil de la Choura de ne soutenir aucun candidat dans la course à Carthage est un avantage accordé à Moncef Marzouki, et un message positif qui lui est envoyé de la part d’Ennahdha.

Mais que gagnera Ennahdha d’un vote massif de ses bases, pour le président de la République sortant, au premier tour, surtout que son favori va être mis en ballottage au tour suivant par un adversaire redoutable, qui a toutes les chances de gagner la deuxième manche, même au cas où le vote islamiste suivra la même ligne ? Et si Ennahdha décide de changer de cap au second tour, en votant BCE, celui-là ne ressentira pas le concours des islamistes à son succès, et Marzouki aura le sentiment d’être abandonné en pleine route par un allié qui se dit défenseur des symboles de la révolution.

Aboussaoud Hmidi

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