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Tunis-Présidentielles : Hamma Hammami gagne en respectabilité et ratisse large, mais convainc moins!

Hamma Hammami est parvenu, par sa sincérité, sa bienveillance et sa spontanéité, à toucher, mercredi 5 novembre, les téléspectateurs de Nessma TV. Il est même allé au-delà, car les séquences reflétant les moments forts de l’interview ont été largement partagées sur les réseaux sociaux. Il a gardé tout au long de la prestation une sérénité à toute épreuve, un verbe spontané mais mesuré et une aménité presque joviale. L’interview culmine lorsque le porte-parole du Front Populaire(FP) et son candidat aux présidentielles dit à la journaliste presque sur le ton de la confidence : « Je vais vous le dire franchement, celui qui a un cœur noir ne mérite pas d’avoir des responsabilités, et sûrement pas la magistrature suprême. Celui qui y postule en ayant un cœur sombre ne peut que porter préjudice à l’Etat et nuire au peuple »,avant d’ajouter que « malgré mes 40 ans de militantisme, passées entre la clandestinité, la prison et la torture, je ne porte en moi aucun sentiment de vengeance , et personnellement, les gens qui m’ont fait du mal ou torturé, dont certains sont déjà décédés, je leur accorde mon pardon, comme je pardonne à ceux qui vivent encore et que je croise parfois dans les rues. Je n’ai porté plainte contre aucun d’eux, ni dénigré personne. Il faut tourner la page du passé et aller de l’avant, nous n’avons pas besoin de laisser béantes nos blessures » a-t-il indiqué.

Ce sont là les indices d’un changement de fond chez le FP et Hamma Hammami en personne qui ajoute, à un autre moment de l’interview, que des parties ont voulu pousser le FP à réagir par la violence à l’assassinat du martyr ChokriBelaid, mais les instances dirigeantes de sa formation politique ont refusé d’emprunter ce chemin, lui préférant la contestation et la lutte pacifiques . Et pour montrer que ce choix est payant et que c’est cette orientation qui a ouvert un horizon au pays au moment où tout semblait fermé, Hamma Hammami affirme que c’est après le martyre de Haj Mohamed Brahmi qui a déclenché la contestation pacifique du sit-in Errahil que le pays a pu adopter une Constitution démocratique et faire tomber le gouvernement de la troïka, pour parvenir aux élections qui couronnent le processus de transition.

Les autres moments de l’interview ne sont pas moins forts, mais ils ont servi à corriger les mauvaises idées (vraies ou fausses) colportées sur la personne et la formation politique qu’il représente. Il est musulman comme tous les Tunisiens, mais refuse de mêler religion et politique, et, s’inspirant de la vision progressiste du prophète Mohamed, il résume l’islam en une praxis dédiée à servir les autres et l’intérêt général. Il ne risque pas d’être sous l’influence de son épouse Radhia Nasraoui qui se positionne déjà en opposante au cas il garderait le silence sur les atteintes aux droits de l’homme ou il en commettrait, une fois élu à la magistrature suprême. Il critique au passage, sans le faire de manière claire, l’attitude ambiguë de Moncef Marzouki envers le dossier des droits de l’homme, lui qui s’est toujours réclamé de cette école sans se montrer un défenseur hardi des victimes au cours des trois ans de présidence.

La justice transitionnelle n’est pas pour lui une vengeance. « Certes, nous avons vécu des moments très difficiles : torture, tyrannie, atteintes aux droits politiques, mais ce que je demande personnellement et que je ferai en tant que président de la République, c’est que l’on comprenne les mécanismes qui ont guidé ces pratiques et savoir qui en était responsable, pour que les futures générations en soient épargnées. On demande tout juste que les responsables présentent des excuses».

Le pragmatisme de Hamma Hammami et sa migration, sans trop de bruit, du populisme et de l’extrémisme révolutionnaire, vers la posture d’homme d’Etat qui se veut rassembleur et déterminé à tourner la page du passé, a interpellé les observateurs qui ont cru saisir l’essentiel du message du candidat à la présidentielle et sa nouvelle posture. Mais les motivations de Hamma Hammami et du FP se situent ailleurs. Ils visent, en fait, à devenir le pivot d’une gauche rénovée et confortablement installée sur l’échiquier politique grâce à leurs scores aux élections. Ils font valoir leur statut de troisième force politique du pays, balayant d’un revers de main Slim Riahi et son parti l’UPL, pour se positionner en grand arbitre du paysage politique, tout en conservant un ancrage nettement à gauche qui sera utile lors des débats à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) où le FP aura un groupe bien étoffé.

Le souci de représenter la gauche dans toutes ses variations s’est manifesté à la fin de l’émission, lorsque Hamma Hammami s’est adressé en direct au peuple. Il a préféré parler aux femmes qui sont en détresse, celles dont les fils sont en chômage ou dans les zones de combat dans les rangs des groupes terroristes ou encore disparus dans les aventures de l’émigration clandestine. Ce message a été compris comme voulant couper l’herbe sous les pieds de Kalthoum Kennou, la seule femme en compétition pour le scrutin présidentiel et qui est portée par un élan mobilisateur féminin surtout à gauche.

Ce qui veut dire que la stratégie du FP vise à devenir « l’unique représentant de la gauche du pays ». C’en est là un premier point négatif, car la force de la gauche est dans sa diversité et dans les multiples formations qui la représentent. Le problème de la gauche tunisienne n’est pas de ne pas trouver le chemin d’être logée à la même enseigne mais de ne pas avoir suffisamment de ponts entre ses multiples expressions. Le deuxième point négatif est que tout au long de l’interview, Hamma Hammami n’a pas parlé du gouvernement au moment où, en tant que Président de la République, il est tenu de collaborer avec lui de manière étroite.

Le troisième point négatif a surgi, lorsque Hamma Hammami a parlé de l’avenir de la Tunisie. Il a souhaité que la Tunisie soit dans l’immédiat comme un des petits pays scandinaves, faisant allusion à l’Etat providence, au progrès social qui caractérisent les pays nordiques. Mais, ce souhait ne concerne que le court terme, car, pour le moyen terme, Hamma Hammami le destine à un idéal latino-américain. Il veut que la Tunisie soit comme des pays de l’Amérique Latine, ces pays qui ne cultivent, pourtant, aucune similitude avec notre pays et aucun d’eux n’a d’avantage comparatif par rapport à la Tunisie. Ils ont seulement cessé de payer leurs dettes extérieures, ce qui a provoqué un assèchement des ressources de financement de leur modèle de développement. Et même l’Argentine, qui passait pour un pays qui s’est bien sorti de son conflit avec ses bailleurs de fonds, vient d’être rattrapée par les déboires provoqués par ses créanciers. Ce faisant, et pour bien des raisons notamment d’ordre judicaire, ce pays ne peut pas donc pas emprunter sur les marchés internationaux, ce qui accentue sa vulnérabilité aux déséquilibres de maints ordres dans lesquels il est actuellement empêtré.

Evidemment on peut soutenir la lutte de l’Argentine contre les fonds vautours, mais on n’a pas intérêt à se mettre à sa place au moment où notre pays veut faire son démarrage économique et revoir son modèle de développement.

Aboussaoud Hmidi

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