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Tunis : faut-il voter BCE?

Le rideau est tombé sur les législatives et les présidentielles sont à nos portes. Entretemps, cette affaire de BHL qui vient, comme un cheveu sur la soupe, troubler le climat général de la seconde échéance. Dans l’intervalle, les perdants des législatives font des pieds et des mains pour essayer de trouver la parade à la montée du courant «Bajboujiste», d’autant que le premier intéressé, Béji Caïed Essebssi (BCE pour les journalistes et Bajbouj pour les intimes), a coupé l’herbe sous les pieds de tous ceux et celles qui attendaient de lui une réaction «à la Senghor». Il a affirmé clairement qu’il ne se retirera pas de la course vers Carthage. Mais d’abord quelques constats :

 Nidaa Tounes est le vainqueur des législatives d’octobre 2014. Mais, d’une courte tête. Il lui est donc, presqu’impossible de gouverner seul. Il lui faudra trouver des alliances, mais celles-ci n’auront certainement pas lieu, avant la fin des présidentielles.

 Nidaa Tounes a gagné son pari des législatives grâce au vote utile. Un vote qu’il a pu glaner un peu partout chez le reste des formations politiques, grâce notamment à l’image d’un parti anti-Nahdha, qu’il s’était forgée pendant les deux années et quelques mois de son existence. Cette image est surtout porteuse d’un projet de société, plus socio-démocrate que celui de son principal rival. Le projet est économiquement plus libéral, mais la démarche pragmatique du parti peut l’amener à sacrifier le volet social.

 Comparativement, Ennahdha et Nidaa sont les seuls porteurs d’un tel projet. Les autres partis présentent des programmes soit vides de tout contenu social soit bardés d’orientations purement idéologiques sans réelle prise avec la réalité.

De ce fait donc, Nidaa Tounès ne pourra pas gouverner et diriger le pays tout seul. S’allier à Ennahdha est donc possible, au moment où toute alliance avec d’autres partis demandera des concessions, idéologiques, politiques et économiques. De telles alliances sont de nature à réduire la marge de manœuvre de Nidaa Tounès, allant jusqu’à entamer sa cohésion interne. De telles alliances, hors Ennahdha, rendront difficile l’exécuter de son programme et la garantie de la pérennité du parti au cours du prochain mandat. Les traditions instaurées depuis la Révolution laissent entendre que les électeurs peuvent aller jusqu’à opposer un «Dégage» à l’establishment et aux élus du parti à mi-mandat, en cas de non réussite.

Ne pouvant risquer, ni l’un (Alliance avec Ennahdha) ni l’autre (un Dégage à mi-mandat), Nidaa Tounes semble condamné à gouverner seul. Ceci expliquerait, peut-être, la décision de BCE de monter la vague de la réussite de son parti aux législatives et de s’engouffrer corps et âme dans les présidentielles. La courte période entre les deux rendez-vous électoraux pourrait lui faciliter les choses. Cela favoriserait alors l’émergence de cette personnalité, celle de BCE, un peu bon père de famille et qui rappelle le référentiel Bourguibien auquel tout le monde s’accroche désormais en Tunisie pour résister à Ennahdha. BCE prend l’allure d’un vieux lion certes, mais une vraie bête politique sur une scène qui en manque cruellement.

Cela, d’autant plus que la conjoncture sociale et la situation économique et financière de la Tunisie, nécessiteraient, de l’avis de plus d’un expert, une forte poigne pour diriger un pays en pleine débâcle sociale et une main de fer dans un gant de velours, pour faire passer les réformes douloureuses qui s’imposent.

BCE est certainement conscient des risques de dérapage qui pourraient être générés lorsqu’une seule formation politique accapare tous les pouvoirs. Ce risque de dérapage de gouvernance, s’ajoute à d’autres à caractère social et politique, que BCE devra assumer seul, face à une opposition qui pourrait un jour se liguer contre lui. L’histoire récente, celle des 3 années de gouvernement de la troïka dirigée par Ennahdha, est encore vivace dans l’esprit collectif des Tunisiens et que personne ne voudrait voir se répéter.

Ceux qui pourraient s’élever contre un pouvoir «BCE-Nidaa», se verraient rappeler qu’ils avaient eu la même réaction lorsqu’ils avaient tourné la Constituante en un Parlement et crié haut et fort qu’ils avaient la légitimité électorale et avaient été élus pour gouverner, dénigrant au passage les «zéro-virgule».

Ceux qui accepteraient un pouvoir «BCE-Nida», ne sauraient se taire et se cantonner dans le rôle de l’opposition, dite constructive. Dans une société où le pouvoir est toujours personnalisé, l’effervescence, politicienne et sociale, pourrait empêcher un pouvoir «Bajbouji» de faire ce qu’il compte faire pour redresser l’économie tunisienne. Certains pourraient même en faire un devoir et BCE se retrouvera sans gilet pare-balle face aux tirs croisés des amis et des ennemis. Pour qui votera donc le peuple tunisien le 23 novembre et que fera donc BCE ?

Khaled Boumiza.

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