AccueilLa UNETunis: Nidaa Tounès, le purgatoire au tournant!

Tunis: Nidaa Tounès, le purgatoire au tournant!

Avant même la proclamation des résultats officiels qui devraient être annoncées dans la journée, la configuration politique est déjà claire. Nidaa Tounès est placé en tête des formations politiques du pays avec plus de 84 sièges et Ennahdha en seconde place avec 69 sièges, un décompte incomplet et non officiel, faut-il le préciser.

Le premier constat à faire est l’effondrement corps et biens de la troïka comme alliance politique. Cette disparition est consommée sous deux angles. D’abord, le retour d’Ennahdha à une « taille humaine » de moins de 30%. Et ensuite, la disparition presque définitive du Congrès Pour la République (CPR) qui ne recueille que 4 sièges et d’Ettakattol qui en a provisoirement 2.

Cette alliance contre-nature a survécu 3 ans et demi durant , regroupant un parti social-démocrate affilié à l’Internationale socialiste (Ettakattol), le CPR qui se dit un parti laïque, sans autre forme de procès, et un parti islamiste qui appartient à la mouvance des Frères Musulmans (Ennahdha ). La coalition répondait, à l’époque, plus à des soucis conjoncturels qu’à un concept de pouvoir durable, comme les trois partenaires ont voulu en convaincre l’opinion internationale. Cette alliance a été conçue de manière improvisée, début mars 2011, dans la foulée de la dissolution du RCD, sous l’effet des pressions pour pousser Mohamed Ghannouchi à la démission et du diktat d’une Constituante qui a, d’autorité, joué les prolongations pour le reste de la période transitoire, le tout pour empêcher un retour en arrière et l’avortement de la Révolution, à l’instar des ouvertures de 1970,1980, et 1987 qui ont tourné au cauchemar, selon l’expression de Ahmed Mestiri à l’époque.

Et le conjoncturel qui répondait à une situation vite dépassée, s’est éternisé s’assignant la mission « historique » de transformer les structures de l’Etat et les fondements de la société, faisant fi des revendications concrètes de la jeunesse et des régions intérieures, et du mandat spécifique pour lequel les députés ont été élus.

A l’inexpérience des responsables choisis pour la gestion des affaires de l’Etat, s’est ajoutée cette fausse piste suivie par la coalition dans la conduite de l’étape transitoire. Et le fiasco de cet exercice est connu par tout le monde.

Le deuxième constat de ce scrutin, c’est la disparition de plusieurs formations politiques. Al Joumhouri, l’Alliance démocratique, le courant Al Mahabba, Al Aman, Al Massar, le parti socialiste, le parti du travail patriote démocrate, le parti du travail, qui rejoignent le CPR et Ettakattol précédemment cités, dans cette débâcle. Evidemment, de larges franges des élites tunisiennes se reconnaissent dans ces partis politiques et cet échec va exclure nombre d’intellectuels et plusieurs courants politiques de la Représentation nationale. Ce n’est pas uniquement une perte pour le pays, mais également un motif d’inquiétude pour les observateurs qui ont hautement apprécié l’apport de ces courants à la transition démocratique.

Ces courants qui ont déjà reçu une première chiquenaude pendant le scrutin d’octobre 2011, qui leur était grosso modo défavorable, et ont affiché, à l’époque, une volonté de revoir leurs stratégies et les alliances qui vont avec, se retrouvent aujourd’hui dans une situation plus difficile. Ils seront placés devant des choix douloureux les poussant à des alliances contraintes et des révisions politiques et idéologiques déchirantes.

Mais ces formations politiques, placées sur la même ligne, n’ont pas les mêmes performances ni les capacités d’adaptation. Les grands courants politiques peuvent se rénover et les grands partis peuvent se restructurer pour rebondir. Les autres vont purement et simplement disparaître de la scène politique.

A ce sujet, le Front Populaire (FP) qui est la seule force de la gauche tunisienne à avoir survécu au séisme politique peut être le grand pôle de rassemblement de ce large courant riche et dynamique qui se trouve désorienté pour la première fois depuis un siècle. Le FP ne peut jouer ce rôle historique que s’il s’ouvre politiquement, s’oriente vers le centre, et transcende les considérations partisanes et de personnes. Et ce grand rassemblement de la gauche invariablement souhaité par la base et promis par les dirigeants, peut être la planche de salut pour tout le monde, ceux qui ont gagné le scrutin et ceux qui l’ont perdu, en prévision des prochaines échéances municipales et régionales et du débat sur le modèle de développement ainsi que sur les prochains chantiers des réformes des secteurs sociaux et de production.

Le troisième constat concerne le vainqueur, Nidaa Tounes. Le score réalisé peut lui permettre d’être le maître du jeu politique: l’élection aux instances du prochain parlement et la désignation du chef du gouvernement et des ministres régaliens. Mais le nombre de ses députés n’est pas assez élevé pour lui permettre de gouverner seul pas plus qu’il ne dispose d’une grande réserve de voix chez des alliés sûrs. Afak Tounès et Al Moubadara n’auront qu’une vingtaine de députés au plus. Slim Riahi a montré dernièrement, lors de la crise du documentaire produit par la chaîne Nessma à son sujet, qu’il ne porte pas le Nidaa et Béji Caid Essebsi dans son cœur. Le FP pourrait ne pas vouloir d’une alliance avec un parti du centre qui ferait office de camisole de force. Cette situation, qui s’inscrit dans le cadre d’une polarisation excessive, recèle un grand risque de réduire la marge de manœuvre de Nidaa Tounes dans les consultations qui précèdent la formation du gouvernement, mais également dans la gestion des affaires du pays.

On ne peut tout avoir à la fois. Nidaa Tounes a sauvé le pays mais va se trouver obligé de faire de grandes concessions pour gouverner ou voir son gouvernement paralysé comme cela a été le cas pour Mehdi Jomâa qui a entamé son mandat dans l’enthousiasme et s’est retrouvé à la fin acculé à expédier les affaires courantes.

Aboussaoud Hmidi

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