AccueilLa UNETunis-Pourquoi Marzouki a-t-il internationalisé la mort de Mohamed Ali Souissi?

Tunis-Pourquoi Marzouki a-t-il internationalisé la mort de Mohamed Ali Souissi?

Avant même que le Président Moncef Marzouki n’internationalise l’affaire de la mort de Mohamed Ali Souissi, en en faisant un point de l’ordre du jour de ses discussions avec Ban-Ki-Moon, le S G de l’ONU en visite à Tunis, tout le monde a compris que l’appel lancé, jeudi , par le ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, aux associations de défense des droits de l’homme d’éviter de prendre position à la hâte dans des affaires délicates et aux partis d’en faire un thème de campagne politique (Il faisait allusion à la prétendue mort sous la torture des deux détenus Ali Louati et de Mohamed Ali Souissi ), était une réponse à l’entretien que le président de la République Moncef Marzouki a accordé, le même jour, à Radhia Nasraoui, présidente de l’Association tunisienne de lutte contre la torture.

Malgré les réserves d’usage employées dans le communiqué publié par la Présidence de la République, à l’issue de l’entretien entre Radhia Nasraoui et Marzouki , l’opinion publique a relevé un alignement sans faille de ce dernier sur la thèse de l’Association tunisienne de la lutte contre la torture, selon laquelle, et malgré les conclusions du rapport du médecin légiste, Mohamed Ali Souissi est mort sous la torture.

Prévoyant, peut-être, la vigueur avec laquelle l’opinion publique réagirait à l’attitude inédite d’un Président de la République qui désavoue les institutions de l’Etat, la médecine légale et la justice qui sont en charge du dossier de ce décès et de celui de Ali Louati avant quelques jours, le communiqué souligne que « le président de la République, tout en réaffirmant son soutien aux deux institutions, sécuritaire et pénitentiaire, les exhorte à œuvrer constamment au respect du principe de la proportionnalité lors de leurs interventions en matière de lutte contre la criminalité, et ce en conformité avec la loi et les procédures en vigueur, dans le respect de la vie et de l’intégrité physique des personnes nonobstant la gravité des faits qui leur sont reprochés, qu’il s’agisse d’affaires criminelles ordinaires et d’affaires terroristes ».

Le communiqué indique que Marzouki a chargé ses conseillers pour les droits de l’Homme et les affaires juridiques du suivi du dossier de Mohamed Ali Souissi et de prendre contact avec les parties gouvernementales et la société civile « aux fins de la manifestation de la vérité, de manière à faire justice aux personnes objet de plaintes et à éviter l’impunité pour tous ceux qui auront failli à leur devoir national et à l’honneur de la profession, le cas échéant ».

Lotfi Ben Jeddou, pour sa part, a nié catégoriquement l’existence de traces de torture sur le corps de Mohamed Ali Souissi, assurant que le rapport du médecin légiste affirme que le décès était dû à de la drogue prise par injection. Auparavant, et lorsque le décès de Ali Louati a été annoncé, Radhia Nasraoui et la famille du défunt étaient montées au créneau, criant à la mort du détenu sous la torture. Les services pénitenciers s’en sont tenus à rappeler les principaux faits infirmant la thèse de la famille de la victime et de Radhia Nasraoui et ont souligné que l’affaire est entre les mains de la justice.

Les militants des droits de l’homme proches de Radhia Nasraoui se sont accordés à refuser de reconnaitre, comme au temps du décès de Walid Denguir, le 2 novembre 2013, les rapports des médecins légistes et les décisions de la justice, et se sont agrippés à leur thèse de mort sous la torture.

Cette attitude, devenue habituelle, prend une autre signification dans cette conjoncture, parce qu’elle s’accompagne d’une levée de boucliers contre l’institution sécuritaire dans son ensemble et à une aversion envers les anciens du régime de Ben Ali qui se sont portés candidats aux législatives et aux présidentielles, après avoir été blanchis par la justice. En fait, plusieurs politiciens et journalistes se réclamant de la gauche se sont mobilisés dans ce combat qui prend le contrepied de la configuration politique consécutive de la prise de conscience des forces vives du pays que leur sécurité et leur projet de société sont en danger depuis le 23 octobre 2011.Des acquis ont été enregistrés au cours des deux dernières années, avec l’avancée des pourparlers pour la constitution du Front Populaire(FP) en août-septembre 2012, et l’élargissement du champ de la lutte pour défendre le projet de société contre les menées d’islamiser le pays et pour l’instauration d’une paix sociale après les assassinats odieux de Chokri Belaid et de Mohamed Brahmi. Le grand tournant a été opéré lorsque Hamma Hammami s’est désolidarisé de la troïka, après les évènements d’Al Abdalliah en Juin 2012.

Ces acquis ont été affermis par l’établissement d’une ligne de démarcation entre le projet islamiste et le projet de société choisi par les Tunisiens depuis l’Indépendance. Et une « ligne rouge » a été tracée par les forces vives, surtout par les femmes tunisiennes, lors des luttes d’août 2013 et du sit-in Errahil. Mais le parti Ennahdha et son proche allié le CPR qui ont été isolés depuis et marginalisés par la dynamique du dialogue national générée par ces combats, se sont employés à desserrer la vis en cherchant à diviser ce large front politique et civilisationnel qui s’est instauré autour de Nidaa Tounès.

A cet effet, Ennahdha et le CPR ont pris pour cible Béji Caid Essebsi et Nidaa Tounès, gagné à leur cause en un premier temps Ahmed Néjib Chebbi en lui promettant la présidence de la République puis Hamma Hammami en lui assurant 4 précieux parrainages de députés (un Nahdhaoui et 3 du CPR), sans que les contours de cet accord contre-nature soient clair.

Et pour que ce projet soit viable et ait un contenu consistant et révolutionnaire, il faut aller dans deux directions : d’abord, diaboliser l’institution sécuritaire qui a joué un rôle dans le démantèlement des réseaux terroristes et honnir les anciens responsables qui ont servi l’Etat et peuvent le remettre en marche une fois revenus aux affaires, en les présentant comme des gens malvenus dans le festin de la révolution.

Diaboliser l’institution sécuritaire devient donc un axe d’activité principal de ce nouveau front. Mais, ce qui est dangereux, c’est que ce front qui ne risque pas d’avoir un bon score lors des prochaines élections, serait monté en réalité pour rejeter les résultats du scrutin au nom d’une certaine révolution qui a été trahie en réintégrant les anciens responsables sur la scène publique. Ce qui est, cependant, encore plus grave c’est que Ennahdha qui a sollicité la participation des anciens responsables, est en partie derrière la mécanique qui pourrait les éjecter au cas où ils seraient choisis par l’électorat.

Aboussaoud Hmidi

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