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Daech jette son dévolu sur le Maghreb sans y réussir…pour le moment !

Dimanche 5 octobre, après la prière d’Al-Ichaa, les djihadistes de Derna installent un podium à la place des Sahabas au centre de la ville, et déploient alentour les drapeaux de l’Etat Islamique (EI). Ce rassemblement a eu lieu au terme d’un défilé militaire et d’un cortège de véhicules arborant le logo «Police de l’islam» et de « la Garde islamique de la ville » fraîchement constituées. L’objectif étant d’impressionner les habitants de la région en exhibant cette force armée montante. L’ambiance électrique relatée par plusieurs médias servait de cadre pour animer un colloque sur le thème : « Le Califat sur les traces du Prophète ». Deux orateurs, l’un Saoudien répondant au nom de Abou Habib et un autre Egyptien dont le nom n’est pas connu ont pris la parole, selon le journal Asharq Al Awsat, pour appeler l’assistance à faire acte de repentance des idées et principes d’apostasie qu’ils avaient portés auparavant au sujet de l’Etat Islamique, et à prêter allégeance à Daech et au Calife Aboubaker Baghdadi.

La ville côtière de Derna a été de tout temps un fief djihadiste. Et Kadhafi lui-même avait averti les occidentaux qui voulaient s’en débarrasser qu’ils auront affaire à des extrémistes qui sont prêts à faire de la Libye un nouvel Afghanistan. La ville et son arrière-pays comptent plusieurs camps d’entraînement de djihadistes et deviennent non seulement une plate-forme d’entraînement et d’envoi de groupes armés en Irak, Syrie et vers d’autres zones chaudes , mais un haut lieu de rencontres de dirigeants terroristes de tout poil. Un leader politique libyen a déclaré lundi (6octobre) à Al Arabiya Al Hadath que des chefs du mouvement Chabab de Somalie, de Boko Haram du Nigéria et d’autres dirigeants terroristes séjournent, depuis un moment, dans la région Est du pays. Déjà, le Tunisien Abou Iyadh, chef de l’organisation terroriste Ansar Charia, Ahmed Rouissi, Boubaker Hakim et d’autres individus recherchés pour des attentats et des assassinats en Tunisie, ainsi que Mokhtar Bel Mokhtar, le dirigeant algérien du groupe les Signataires par le Sang, se trouvent actuellement à Derna.

Tous ces éléments pourraient être qualifiés d’anodins s’ils n’étaient pas liés à d’autres faits qui leur donnent une signification bien différente. D’abord, l’enlèvement puis la décapitation le 24/9/2014 du randonneur niçois âgé de 55 ans, Hervé Pierre Gourdel, près de Tizi Ouezou par un groupe inconnu jusque-là, les « Soldats du Califat », qui a fait allégeance à l’EI, une semaine auparavant. Reproduisant le même modus operandi de l’organisation mère, l’EI, dont il se réclame, ce groupe islamiste envoie une vidéo intitulée « Message de sang pour le gouvernement français » illustrant l’odieux assassinat.

Les brigades Okba Ibn Nafii installées à Chaambi, semblent elles aussi prendre le même chemin en prêtant allégeance à l’EI, bien que le ministre de l’Intérieur tunisien, Lotfi Ben Jeddou ait jeté un doute sur cette initiative, se contentant d’indiquer que les services de sécurité tunisiens suivent cette affaire de très près.

Seules la nature et l’étendue des plans attribués à Daech peuvent justifier la prudence du ministre Ben Jeddou qui laisse sans réponse les questions que se posent plusieurs observateurs. Les plans de Daech dans la région sont-ils opérationnels et touchent-ils tous les pays de la région ? Est-ce qu’ils présentent un réel danger ou sont de simples opérations de diversion ?

Ce qui est sûr, c’est que Daech et ses représentants locaux s’emploient à faire beaucoup de bruit dans le flanc ouest (les pays du Maghreb) en kidnappant et assassinant Hervé Gourdel, en annonçant la constitution d’un émirat à Derna et en menaçant de commettre des attentats dans les autres pays de la région. Tout cela pour donner l’impression qu’ils sont en train d’ouvrir un nouveau front contre les pays occidentaux à l’Ouest dans l’espoir de desserrer l’étau autour de Daech en Syrie et en Irak. Mais quelles sont les chances d’aboutir de cette entreprise?

En apparence, Dech qui voit sa capacité de mobilisation s’accroître depuis des semaines à la faveur des frappes occidentales, attire toujours des gens qui n’ont pas une typologie unique. Des jeunes diplômés, des gens désœuvrés, des familles entières des banlieues européennes. Tout cela dans une ambiance d’absence totale de l’autorité de l’Etat au Moyen-Orient ou dans les pays du Printemps Arabe.

Mais à y regarder de près, la similitude s’arrête là entre la Syrie et l’Irak, d’une part, et les pays du Maghreb, Libye comprise, d’autre part. Car les pays du Maghreb présentent des caractéristiques bien spécifiques. En Tunisie, le départ pour le djihad est une décision qui ne coûte pratiquement rien, et peut être à tout moment réversible, car les djihadistes peuvent revenir quand ils le veulent et ils ne sont pas systématiquement poursuivis, et ce depuis la révolution et surtout depuis l’accès de la troïka au pouvoir. Au contraire, l’engagement dans des groupes terroristes est une entreprise porteuse politiquement et financièrement.

Pour l’Algérie, ce ne sont pas les grandes masses qui partent au djihad, mais ce sont les résidus de la vague des années 1990 qui sont toujours actifs procurant à cette nouvelle « épopée » régionale expertise et encadrement. Il s’agit d’un autre étage qui bénéficie de l’aide de la nébuleuse des Frères Musulmans et de quelques Etats du Moyen-Orient, pour compenser le manque de moyens financiers et humains à l’échelle locale.

Le Maroc, cultive grosso modo la même configuration que la Tunisie mais ses frontières sont soumises à une surveillance stricte, amenant tout candidat au départ au djihad à y réfléchir à deux fois.

Sur un autre plan, il faut reconnaître que le terrorisme n’est pas parvenu à s’enraciner dans la région, malgré le démantèlement de l’Etat national en Libye et l’essoufflement des institutions publiques en Tunisie et les lourdes séquelles de la décennie 1990 en Algérie.

Par contre, au Moyen-Orient, Daech évolue dans un vide institutionnel et dans un environnement amène. En Syrie ou en Irak, les sunnites vivent de profondes frustrations envers l’ordre existant, dans une conjoncture où il n’existe pas d’alternative. Et dans cette équation, Daech est perçu comme un allié de circonstance par les uns et par les autres, face à des gouvernements sectaires en Irak et en Syrie, soutenus par un Iran arrogant qui poursuit une politique d’hégémonie nationale dans toute la région.

Daech s’est imposé en Irak et en Syrie parce que les deux gouvernements ont choisi de défendre le pays utile qui est sous leur autorité. Le régime syrien s’était retiré du Nord-est, zone largement désertique de la Syrie, et les autorités centrales irakiennes étaient absentes de Mossoul, n’y étant présentes qu’à travers des représentants locaux considérées comme des élites vendues à Bagdad.

Sur un plan plus large , tout le monde a contribué à l’émergence de Daech, particulièrement l’Iran, en soutenant les régimes syrien et irakien dans des politiques qui ont favorisé la radicalisation des sunnites, l’Occident, en encourageant un soulèvement syrien pour le laisser ensuite livré à lui-même face à une répression sans scrupules, la Turquie, qui a ouvert ses frontières à tout groupe qui veut aller combattre Bachar el-Assad. Les monarchies du Golfe, elles, ont financé sans compter d’abord, une opposition modérée, puis se sont détournées d’elle pour miser, dans une logique de pure vengeance sur ceux qui sont capables de faire le plus mal au régime d’Al Assad et aux populations encore sous son contrôle.

Daech est donc porté par deux logiques différentes, une au Moyen-Orient, et une au Maghreb. Il est ancré là-bas sur le terrain et dans les esprits, ici il est bon an mal an installé pour servir les objectifs de la nébuleuse islamique, et les ambitions géopolitiques de quelques régimes qui n’ont aucune présence dans la région. Mais dans le Maghreb, Daech ne peut pas avoir ni une emprise réelle sur les esprits ni une présence conséquente sur le terrain.

Aboussaoud Hmidi

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