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Tunis : La polémique enfle sur le projet de l’hôpital d’European Cancer Center à El Hamma

Plusieurs personnes ont exprimé leur étonnement suite à l’information selon laquelle Rafik Ghak, membre du Centre des Droits et Libertés à Tunis (CDLT) envisage de porter plainte contre l’actuel ministre de la Santé.

Devant l’initiative d’un militant actif dans le domaine des droits de l’homme, on aurait imaginé le ministre impliqué dans une affaire de torture, ou dans d’autres formes de violation des droits de l’homme, mais on s’aperçoit qu’il est simplement « suspecté d’avoir détourné un projet médical qui allait être lancé à la Hamma vers Tunis ».

Au sens large des droits humains, qui incluent forcément le droit au travail, on peut supposer qu’il est du devoir du militant Rafik Ghak de défendre les opportunités d’emploi des habitants d’El Hamma. Seulement, en étudiant d’un peu plus près le dossier de ce projet de l’European Cancer Centers (ECC), on s’aperçoit que ses éléments ne peuvent pas être facilement qualifiables politiquement et moralement et ils le seront, sûrement encore plus sur le plan juridique, lorsque l’affaire sera soumise à la justice.

D’abord, le ministre, qu’on a eu l’occasion d’entendre hier, nie catégoriquement tout lien de quelque nature que ce soit avec le refus d’accorder l’autorisation d’exercer à l’ECC, et avec un projet alternatif, comme le prétend Rafik Ghak et plusieurs autres personnes qui accusent le ministre d’être impliqué dans le détournement du projet d’El Hamma vers Tunis.

Le ministre ajoute que son chef de cabinet a donné son accord de principe au projet, le 11 décembre 2013, à condition qu’il soit monté conformément à la règlementation en vigueur. Seulement, le projet présenté comporte plusieurs volets qui ne sont pas conformes avec la législation tunisienne. D’abord, le promoteur de l’ECC ne veut pas soumettre les médicaments qu’il utilise au contrôle des instances tunisiennes et à leur autorisation préalable comme tous les autres centres hospitaliers installés en Tunisie. Ensuite, les ressources humaines auxquelles il fera appel de l’étranger (médecins et techniciens) ne veut pas non plus les soumettre aux normes nationales en la matière. Puis, il propose d’assurer un traitement gratuit à 20% des patients, mais exige que les bénéficiaires doivent être choisis par une association qui lui est inféodée. Enfin, le projet étant de taille très moyenne (avec un investissement de 50 millions de dinars / 25 millions d’Euros), sa création ne nécessite pas de subventions. Et le ministre d’ajouter que si les promoteurs du projet veulent le monter, ils peuvent le faire et que Dieu les aide. ربّي يعاونهم . Il insiste sur un fait d’importance capitale : l’avis négatif n’est pas le sien propre, mais il est celui de la Haute Commission chargée des Grands Projets, qui s’est tenue le 22 août dernier pour examiner le projet.

Et pour montrer qu’il y a unanimité sur le sujet, le ministre indique qu’il a envoyé des notes à l’UTICA, à l’UGTT, au Conseil de l’Ordre des Médecins, ainsi qu’à des professeurs spécialisés en cancérologie, et leurs avis sont concordants sur le sujet : un refus catégorique.

D’ailleurs, un professeur tunisien en médecine qui pratique en France donne un éclairage pertinent sur le dossier. Il relève que l’investissement dans l’offshoring médical en Tunisie se justifie, essentiellement dans deux spécialités : la médecine dentaire et la chirurgie esthétique où les tarifs sont très élevés en Europe et très bas en Tunisie. Il souligne que le traitement des maladies liées au cancer est pris en charge à 100% en Europe, et attire l’attention sur la durée des soins qui prennent généralement une année. Et il en conclut que ce projet n’est pas viable en se posant cette question : qu’est-ce qui fait venir un patient européen en Tunisie pour être soigné, pendant toute une année d’une maladie qui est prise en charge à 100% chez lui ?

D’ailleurs, Abderrazek Ben Khelifa, secrétaire d’Etat aux Affaires régionales et locales, faisant allusion à l’enveloppe d’investissement assez réduite dédiée au projet et à la faible affluence de la clientèle , a résumé la problématique posée par le médecin spécialiste, en affirmant que « le projet d’El Hamma est impossible à réaliser faute d’investissement et de clientèle ayant le pouvoir d’achat requis ».

Toutes ces données devraient être prises en compte par le militant des droits de l’homme Rafik Ghak avant d’avancer un jugement ou prendre une position qui engage sa réputation et celle du centre dans lequel il s’active, sur un sujet aux multiples volets. On peut comprendre les positions de simples citoyens, faisant valoir leur droit au travail et celui de leur région à un accès plus large au bien-être, mais ni l’éthique de l’action humanitaire ni la neutralité exigée d’un militant n’autorisent Rafik Ghak à prendre une position irréfléchie qui ne peut avoir qu’un effet négatif sur une activité aussi noble que celle des droits de l’homme.

Aboussaoud Hmidi

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