L’Instance Provisoire de la Justice judiciaire a annoncé qu’elle portera plainte contre Sihem Ben Sedrine, présidente de l’Instance Vérité et Dignité(IVD) sur la justice transitionnelle, suite à l’annonce de sa décision de rouvrir les dossiers des anciens ministres de Ben Ali, rapporte le site « Al Joumhouria ».
Sihem Ben Sedrine a précisé que les anciens ministres concernés sont ceux qui ont été acquittés par la justice sur la base d’expertises ordonnées en la matière, faisant valoir que les larges prérogatives de l’Instance Vérité et Dignité(IVD) sur la justice transitionnelle l’habilitent rouvrir les dossiers des anciens responsables.
Une première réaction aux propos de Sihème Ben Sedrine a été enregistrée mercredi 17 septembre 2014 par Me Taoufik Bouderbala, ancien président de la Commission nationale d’investigation sur les violations et les abus et ex-président de la LTDH. Il a tenu à préciser que lois nationales et internationales interdisent tout nouveau jugement des personnes déjà passés devant les tribunaux pour les mêmes faits et mêmes dossiers, sauf dans des cas exceptionnels où il est question de violations flagrantes des droits de l’Homme ou de torture.
Me Taoufik Bouderbala a rappelé à l’occasion ses réserves sur les circonstances de la création de l’Instance Vérité et Dignité et sa composition qui a obéi à des considérations partisanes.
Les observateurs ont relevé que de larges franges de l’opinion publique surtout dans les rangs de l’extrême-gauche ont manifesté, à l’occasion du retour de Mondher Zenaidi de France, le 13 septembre, une appréhension envers le processus de réconciliation nationale qui s’est dessiné depuis des mois. En fait, la justice a acquitté presque tous les ministres de Ben Ali sur la base de l’intime conviction des magistrats saisis autant que sur celles des expertises ordonnées, et a conclu que les accusations ne tiennent pas.
Les positions négatives des militants radicaux et des dirigeants de l’extrême-gauche veulent en fait empêcher un éventuel retour aux affaires de ces anciens responsables après leur acquittement prononcé de manière définitive par la justice. L’extrême-gauche leur reproche tantôt des faits qui ne doivent pas rester impunis durant leur exercice du pouvoir et juge que les verdicts prononcés à leur égard sont indulgents. Cette attitude provoque le mécontentement des instances représentant les magistrats (l’Association des Magistrats Tunisiens/AMT, le Syndicat des Magistrats Tunisiens /SMT et l’Instance Provisoire de la Justice judiciaire) de même que d’éminents militants des droits de l’homme à l’instar de Me Taoufik Bouderbala. Mais, parfois, les observateurs sentent que l’argument de l’extrême-gauche glisse vers le terrain politique, reprochant aux anciens responsables d’avoir passé un marché avec le parti islamiste sous la houlette de puissances régionales et internationales pour partager le pouvoir dans les décennies à venir à la faveur du maintien du modèle de développement libéral des dernières décennies contre l’appui des islamistes pour les présenter comme un courant politique modéré.
Mais en analysant de plus près cette polémique, on s’aperçoit que l’extrême-gauche qui s’est opposée à un moment à l’exclusion politique et a consenti à confier le dossier de l’avant 14 janvier 2011 dans sa totalité à la justice, change d’avis lorsqu’elle s’aperçoit que les anciens responsables sont entrés en force dans la scène politique par le biais des élections. Ce qui donne à penser que les positions de principe ont été converties en jugements de circonstance. A l’opposé, les islamistes et les anciens responsables du Destour et du RCD affichent un profil bas et se présentent dans la posture de partenaires qui veulent travailler avec n’importe qui pourvu que la stabilité s’installe dans le pays et que la machine économique redémarre dans les plus brefs délais.
Aboussaoud Hmidi
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