AccueilLa UNELe terrorisme comme carte à jouer

Le terrorisme comme carte à jouer

La logique qui a favorisé la montée soudaine du terrorisme en Afrique du Nord et au Moyen-Orient confirme une vieille règle qui a régi la genèse et l’ascension du phénomène dans sa version « moderne », depuis les années 1980. Cette règle met en relief le rôle joué par l’environnement ambiant dans la survie et le maintien en orbite du djihadisme. Le radicalisme salafiste dans le sous-continent indien a été créé et entretenu à la fin de la guerre froide, par les services de renseignement anglo-saxons et surtout américains, dans le cadre d’un jeu international entre grandes puissances. Au Moyen-Orient, ces dernières années, l’enjeu devient proprement régional et le djihadisme profite de la mosaïque ethnique, confessionnelle et tribale pour se maintenir et se développer. Et en suivant son évolution, on n’arrive pas à comprendre qui le soutient et qui le prend pour ennemi. L’Etat Islamique (EI) émanation de Daech est-il créé de toutes pièces, par le régime de Bachar Al Assad, financé conjointement par deux ennemis jurés, l’Arabie Saoudite et le Qatar, alimenté à partir de la Libye, transformée par l’Organisation Mondiale des Frères Musulmans en camp militaire à ciel ouvert, en combattants et en armes ? Des informations ont fait état d’un coup de pouce donné à cette chevauchée djihadiste par l’autorité locale kurde au Nord de l’Irak, les tribus sunnites et ce qui restait du Baath de Saddam, pour instaurer de nouvelles règles de jeu, en déstabilisant Nouri Al Maliki qui s’est agrippé au pouvoir à Bagdad ne voulant plus le céder sous n’importe quelle condition. Et ainsi l’EI a utilisé toutes ces parties alors que chacune d’elles pensait s’en servir pour abattre, affaiblir ou gêner les autres.

Ce schéma s’applique grosso modo au Yémen, où on remarque qu’Al Qaida s’appuie sur les tribus et les Houthistes et profite même des menées séparatistes du Yémen méridional pour se maintenir et sévir. D’ailleurs, les deux dernières démonstrations de force dans ce pays engagées à quelques jours d’intervalle, par Al Qaida et les Houthistes, mobilisant de grandes masses pour contester la levée des subventions de l’Etat sur les produits de base imposée par le FMI et la BM, donnent la preuve que tout est permis pour créer la zizanie même autour de dossiers ( cherté de la vie et modèle de développement) qui ne relèvent pas de l’agenda des courants islamistes.

En Afrique du Nord, les choses sont beaucoup plus simples et unilatérales. Le terrorisme, après les revers de l’islamisme modéré, n’a plus d’appui concernant cette frange évincée du pouvoir par l’action de la rue (Egypte et Tunisie) et les urnes (Libye). Cet islamisme modéré de l’Organisation Mondiale des Frères Musulmans procure au salafisme djihadiste la couverture théorique, et le manipule à merveille. Ce qui nous met en face d’un schéma où le modéré utilise pour les fins de sa stratégie les agissements du radical. Les Ansar Beit Al Magdas en Egypte s’attaquent depuis août 2013, date du démantèlement des sit-ins Rabiaa et Annahdha, à l’armée et aux forces de sécurité égyptiennes et montent une nébuleuse d’amateurs, de délinquants et de petits aventuriers pour venger « la légitimité bafouée par les militaires et leurs alliés modernistes ». La Libye , transformée par l’islamisme modéré en plate-forme de rassemblement de groupes à entraîner et envoyer aux foyers de combat , et en dépôt d’armes pour les djihadistes du monde entier , ne doit pas tomber aux mains des libéraux. Le projet de Mahmoud Jibril a été avorté en juillet 2012, et les nouvelles élections législatives ont été annulées de facto par l’ancien parlement islamiste qui refuse de faire la passation aux nouveaux élus. L’essentiel, pour les frères musulmans c’est de ne pas perdre les élections de 2012 transformées en acquis stratégique et surtout irréversible des islamistes. En Tunisie, c’est le démantèlement de l’Etat moderniste qui est en marche depuis Chaambi et à travers les frontières Est et Ouest. Et la Libye sert de refuge et de lieu de repli pour les terroristes recherchés ou en partance vers d’autres zones de combat en Syrie , en Irak ou au Nord Mali, justement pour y profiter de la sécurité et développer un savoir-faire utile lors des combats ultérieurs.

Si on met de côté les quelques insultes proférées par Rached Ghannouchi en personne à leur encontre, lorsqu’ils commettent des crimes qui provoquent l’indignation de l’opinion publique, les terroristes n’ont jamais été inquiétés par les islamistes modérés en Tunisie. Aucune lutte contre leurs thèses sur le plan théorique.Au contraire, on a assisté à un amalgame entretenu par Sadok Chourou et Habib Ellouze qui se sont érigés en développeurs de leurs thèses. Toutes les initiatives prises par les forces de sécurité et la cellule de crise pour barrer la route au terrorisme ont été dénoncées et même bloquées par les députés d’Ennahdha et ceux des groupes parlementaires qui leur sont proches (CPR, WAFA , et autres députés « indépendants »). Il suffit de relire les débats lors des plénières du jeudi 14 novembre 2013 et lors de la discussion du projet de loi contre le terrorisme, pour saisir la gravité des accusations portées par ces députés contre les forces de sécurité , et la défense systématique des groupes terroristes qui sont présentés comme des victimes et des combattants pour la liberté.

Logiquement et en apparence, tout le monde se démarque des terroristes, affiche une opposition à leur projet et se dissocie de leurs agissements, mais dans les faits, agences de renseignement internationales, tribus, Etats en décomposition ou en formation, tendances libérales, progressistes, islamisme modéré, sont en compétition ouverte pour servir et se servir de cette mouvance en théorie infréquentable. Mais, ce qui est à remarquer, c’est que toutes les parties et tendances citées plus haut se servent occasionnellement du djihadisme , et seul l’islamisme dit modéré de l’Organisation internationale des Frères Musulmans est en train de s’en servir pour un objectif commun, à savoir, venir à bout de l’Etat moderne en Afrique du Nord, et accessoirement faciliter l’émergence d’un radicalisme à sa droite qui lui permet d’apparaître aux yeux de l’opinion publique internationale et des décideurs mondiaux comme une mouvance modérée, sans que cela lui coûte une concession au sujet du dogme qu’il véhicule et du projet qu’il s’emploie à mettre en place, une fois sa légitimité sera consacrée par les urnes ou suite à la défaite de ses contradicteurs.

AboussaoudHmidi

- Publicité-

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -