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Tunis : Des hommes d’affaires sur les listes électorales : Pourquoi bazardent-ils ainsi leur argent et celui des autres?

1er petit rappel. Lorsqu’en 2011 l’homme d’affaire Slim Riahi avait usé de son pouvoir économique et financier (indépendamment de ses origines qui pourraient être du seul ressort de la justice) pour essayer d’accéder à l’ANC (Assemblée Nationale Constituante), son action avait été suivie d’un tollé général. Un tollé d’où est née la lexicologie du «Elmel alfassid» ou argent sale. Le même tollé général, avait suivi les «signes extérieurs de richesse» apparues dans la campagne électorale, fortement médiatisée, de Néjib Chebbi.

– Avec Ben Ali, c’était de l’argent sale !

2ème petit rappel. A l’issue de la révolution, nombre d’hommes d’affaires se sont trouvés devant le Commission nationale d’investigation sur les affaires de corruption et de malversation (CICM), à s’expliquer sur l’origine de leurs fortunes et sur l’usage qu’ils en ont fait, en lien entre autres, avec les campagnes électorales de l’ancien président tunisien Zine El Abidine Ben Ali (ZABA) et son ancien parti le RCD.

3ème petit rappel. Nombre d’hommes d’affaires de l’ancien régime tunisien ont été déchus de leurs droits politiques, empêchés de se présenter aux élections, du simple fait du lien entre leur argent, les campagnes présidentielles et le RCD.

A quelques exceptions près (notamment chez Ennahdha qui avait dans ses rangs, bien avant la révolution, quelques «petits hommes d’affaires» à petites fortunes constituées pendant les années de braise ou qui avaient pu se faire un bon pécule après la révolution en Tunisie), les hommes d’affaires sont les mêmes que ceux qu’ils étaient du temps de Ben Ali. Et s’il y avait argent sale, il est resté le même aussi. Qu’est-ce qui a changé donc, pour que les deux plus grands partis politiques en Tunisie, Ennahdha et Nida Tounes au moins, y recourent de nouveau et l’affichent ostentatoirement sur leurs listes électorales respectives.

– Après Ben Ali, «silence…on tourne», dans une relation Win-Win !

En fait, à part le départ de Ben Ali, rien n’a changé. Politique et financier ont toujours eu besoin l’un de l’autre. Comme toute autre conquête guerrière, celle du pouvoir a besoin d’argent. L’argent est le nerf de la guerre. Les hommes d’affaires ont, de leur côté aussi, besoin du pouvoir, soit pour faciliter leurs affaires, en accélérer les conditions de constitution, comme source de lobbying et comme source privilégiée d’information si l’on considère que toutes les lois, y compris économiques et financières passent par la chambre des députés ou l’ANC jusqu’à risquer de faire de ces hommes d’affaire-députés soupçonnables de délits d’initiés. Entre hommes d’affaires et politiciens, c’est une relation Win-Win, car le «Rasmel est Jaben » [Traduisez le capital est poltron] comme le disait l’ancien SG d’Ennahdha Hammadi Jbali.

C’est ce qui explique, à notre sens, l’existence de fortunes aussi reconnues, que celles des Loukil ou de Frikha sur les listes d’Ennahdha. Des noms qui ont soufflé les convictions de plus d’un de nos connaissances. C’est ce qui explique aussi, l’existence d’hommes et de femmes d’affaires tels que Zohra Driss-Jnayeh ou Ridha Charfeddine de Sousse, Anis Bouchammaoui de Gabes ou encore Houda Tkaya à Mannouba. Les uns comme les autres, sont de nécessaires financiers pour les campagnes électorales d’Ennahdha et de Nida Tounes. Les uns comme les autres, ont besoin d’accéder, pour le besoin de leurs affaires, aux premières loges du pouvoir.

– Le silence complice de la loi électorale.

A part Ben Ali, dont au moins 20 % de la fortune, selon un rapport de la banque mondiale, provenait du secteur privé à commencer par les fameux 40 MDT saisis dans les placards de son palais de Sidi Bou-Saïd, la loi électorale a aussi très peu changé sur le sujet de la relation entre argent & pouvoir. Cette relation, «mi-Halal, mi-Haram», presque «beaucoup Haram», est détaillée (façon de dire) dans les articles de 75 à 81 de la loi organique relative aux élections.

Dans le 75 on lit, (sauf erreurs ou omission due à la traduction), que «le financement de la campagne électorale, des candidats et des listes (…) se fait à travers l’autofinancement, le financement public et le financement privé (…) ». Dans le suivant, il est précisé que «est considéré autofinancement, tout financement, en numéraire ou en nature pour la campagne, par les ressources propres de la liste, du candidat ou du parti (…). Et le 77 d’expliquer que «est considéré comme financement privé, tout financement en numéraire ou en nature dont l’origine est issue en-dehors du candidat, de la liste ou du parti » et «le financement ne peut être fait, que par les personnes morale exclusivement, à hauteur de 20 fois le Smig dans les secteurs non-agricoles (ndlr : 6000 DT) pour les législatives et 30 fois le Smig (ndlr : 9000 DT) pour chaque candidat, liste ou parti lors des présidentielles». Coté argent public, c’est donc un Etat, endetté, qui va financer des politiciens pour faire au peuple des promesses qu’ils ne tiendront jamais (Voir le programme aux 365 points d’Ennahdha en 2011 par exemple)

De fait, et contrairement à tous ce qui a été reproché aux hommes d’affaires de l’ancien régime qui ont été à cause de cela traînés dans la boue, ces 3 articles autorisent l’utilisation des fonds privés, ceux des entreprises plus précisément, pour le financement des partis politiques. La loi reste floue cependant sur l’origine des fonds de la personne physique. Il est connu en effet, par exemple dans les sociétés familiales, que l’argent de l’entreprise est aussi celui du chef de l’entreprise. Que devrait à ce moment dire le Commissaire aux comptes de l’entreprise, qui a ainsi la possibilité de financer Ennahdha, Nida Tounes ou El Jabha (Front populaire) par exemple ? Le chef d’entreprise devra-t-il pour ce faire, avoir recours à une «caisse noire» ? Et nous voila, de nouveau, retombés dans ce qui est, maintenant après la chute du régime de Ben Ali, reproché à la même caste d’hommes d’affaires !

Deux citations pour finir. D’abord celle du politicien américain, Henry Kissinger qui disait que «le pouvoir est l’aphrodisiaque suprême». S’y reconnaîtra qui voudra ou qui pourra ! Ensuite, celle du non-moins connu Philippe Bouvard qui disait que «l’argent est un raccourci de la réussite, et les raccourcis – c’est connu – éliminent tous les détails embarrassants». Des partis politiques, comme Ennahdha ou Nida Tounes, ont pris le raccourci et l’ANC a éliminé les détails embarrassants !

Khaled Boumiza.

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