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Tunis : L’intégrisme est aussi écologique

En moins d’un mois, ont eu lieu 3 évènements majeurs ayant trait à la propreté des villes tunisiennes en plein été et au plus fort de la saison touristique. Il s’agit de la grève observée par les agents municipaux chargés de la propreté des villes, les 18 et 19 juin, d’une autre annoncée pour cette semaine ( les 17 et 18 juillet) , et des affrontements qui ont opposé les habitants de Guellala avec les forces de sécurité après le bouclage de la localité, vendredi dernier, pour empêcher la réouverture de la décharge contrôlée, après 20 mois de fermeture.

Les revendications des agents municipaux sont d’ordre matériel, mais les habitants de Guellala refusent toujours la réouverture de la décharge contrôlée, depuis que ses digues ont cédé, semant la pollution alentour. Leur exigence s’est inscrite dans le souci de prévenir la propagation de maladies et tout impact négatif de l’activité de la décharge sur l’environnement, ce qui explique la mobilisation de la population locale et les heurts survenus en octobre 2012.

Faisant la lumière sur les derniers développements, le ministère de l’Equipement a indiqué, vendredi 11 juillet2014 , que la réouverture de la décharge a été l’aboutissement de consultations, qui ont duré plus que 3 mois, avec les habitants et des représentants de la société civile, et que cette réouverture doit s’accompagner par le transfert d’une partie des ordures ramassées à Djerba vers la décharge de Bouhamed pour alléger le travail de celle de Guellala , qui ne travaille pourtant qu’à 1/3 de sa capacité. Des représentants de Guellala parlent, eux, d’un engagement pris par les autorités, avant la réouverture, de respecter les normes techniques et d’hygiène dans le fonctionnement de la décharge et de présenter des excuses au sujet des heurts survenus en octobre 2012, qui ont fait une cinquantaine de blessés parmi les agents de sécurité et l’incendie de plusieurs voitures de police. Mais les développements de vendredi dernier indiquent que l’accord n’était pas à portée de main alors que des interférences extérieures auraient remis en question tout le processus. Heureusement, les pourparlers ont repris et le grève générale décrétée dans l’Ile a été annulée.

La raison principale du blocage tient au refus des habitants des villes de Médenine de voir une partie des ordures insulaires déposées dans la décharge de Bouhamed (sur le continent), tout comme ceux de Guellala, qui , cultivant des spécificités confessionnelles et ethniques, refusent que les ordures d’autres localités (Midoun et Houmet Essouk) atterrissent chez eux. Ce qui indique que le problème, à l’origine facile à résoudre, se complique par des motivations d’un ordre autre qu’écologique.

Or, ces considérations qui faussent toute analyse des avantages et des inconvénients du projet, trouvent leur origine dans un sentiment d’égoïsme local où chaque partie se désengage de tout devoir envers les autres autant que de l’intérêt général. Et c’est cet état d’esprit qui a conduit depuis la révolution à des approches négatives de la part des intervenants dans le secteur de l’environnement, si important pour la santé et l’hygiène, mais objet d’interférences multiples.

Après la révolution, tout le monde a découvert que les structures de l’environnement censées répondre aux besoins nouveaux de la société et du système économique, étaient désespérément inefficientes. La stratégie est entachée de beaucoup d’insuffisances, l’exécution de plusieurs projets présente des failles évidentes, et leur fonctionnement laisse à désirer. Les salaires des agents sont dérisoires, les sociétés chargées de la sous-traitance opèrent dans l’opacité et exploitent leurs salariés de manière éhontée.

Et pour réagir à cette situation, les principaux intervenants, à savoir l’administration qui défend l’intérêt général , l’UGTT qui tient à cœur les droits de ses adhérents, la société civile qui œuvre à une un développement durable et le citoyen qui aspire au mieux-être dans un milieu sain et propre , devraient collaborer pour sortir de cette situation en renforçant les acquis et corrigeant toutes les défaillances . Or ces objectifs ne peuvent être atteints sans le maintien en fonction des structures, en en améliorant les mécanismes à l’enseigne d’un partenariat bénéfique à toutes les parties. Mais malheureusement, l’approche a été tout autre. L’UGTT s’en est tenue aux revendications salariales, sommes toute légitimes, sans se soucier ni des capacités des municipalités, ni des sociétés nationales qui opèrent dans le secteur. Les ONG ont fait florès après la révolution. Et puisqu’elles n’avaient pas de traditions consacrées dans la lutte pour un environnement sain, elles ont opté pour un radicalisme de 1er degré et pour une tolérance zéro s’agissant des insuffisances relevées. Et cherchant à avoir de l’audience chez les citoyens, elles se sont mises à exagérer les risques- bien réels ,il est vrai- et donnant une image du pays comme étant un grand cimetière de déchets chimiques et nucléaires, et en faisant leurs les méthodes musclées de leurs homologues de l’étranger notamment Green Peace et autres organisations activistes . Ce comportement a donné lieu à une sorte d’intégrisme écologique, nuisible et dévastateur autant que les autres formes d’intégrisme qui sévissent dans le pays.

On a remarqué que ces ONG ont poussé, dès les premiers jours de la révolution, les habitants aux alentours des projets de l’environnement à les fermer à l’instar des décharges contrôlées dans les îles de Djerba, Kerkennah, Monastir et aussi le centre du traitement des déchets industriels de Jradou à Zaghouan , illustrant ainsi cette approche idéologique prônant des thèses radicales. D’autres centres ont été fermés pour quelques semaines ou quelques mois, pour les mêmes raisons, mais ont été rouverts par les habitants des localités en question, parce qu’ils se sont rendus compte des défaillances de l’argumentaire de ces ONG, faisant valoir que les insuffisances peuvent être réparées parallèlement à la marche des établissements.

Ces ONG ont poussé, le 28 février 2011, quelques jours après la révolution les habitants de Jradou à déposer une plainte contre le centre du traitement des déchets industriels hébergé dans leur village et qui employait 54 ouvriers. Et ces mêmes ONG ont tout fait pour fermer de facto le site en le bouclant devant les experts de l’Agence Nationale de Gestion des Déchets (ANGED) et le personnel de l’exploitant, tant pour assurer la maintenance des équipements que pour la supervision de l’état des ordures et déchets non encore traités qui y étaient déposés avant la date de la fermeture. Ce coup de force a poussé l’ANGED à résilier son contrat avec la société allemande « Nehlson » exploitant le Centre. L’argument avancé par des ingénieurs et des avocats qui se sont portés volontaires pour soutenir les habitants de Jradou porte sur les effets néfastes de l’activité du centre, sur la santé de l’homme et sur l’environnement. Et malgré les expertises et les tests qui ont démontré le contraire, le site est resté inaccessible aux ouvriers et aux techniciens.

Les associations de l’environnement qui se sont mêlées au dossier, ont constamment affirmé que les activités du centre mettent en péril la santé des habitants et sont allées jusqu’à soupçonner que des polluants très dangereux auraient été dissimulés dans les déchets enfouis dans le site , ainsi que la possibilité de fuites et d’infiltration de polluants dans la nappe phréatique en raison des cassures des réservoirs d’eaux polluées et des défauts de construction de ces ouvrages, situés non loin de carrières utilisant des explosifs.

D’aucuns accusent l’établissement de recevoir des déchets dangereux importés de l’étranger, ce qui a été démenti par l’Ambassade d’Allemagne, qui a tenu à préciser, le 10 mars 2011, dans un communiqué, que « le centre ne reçoit de déchets importés ni d’Allemagne, ni d’autres pays ».

L’opinion publique s’est rendue compte, après l’amère expérience de ces quatre années, que le problème des déchets ménagers et industriels est un dossier important, et que toutes les parties doivent être associées à sa gestion : l’administration, l’UGTT, les ONG et les citoyens des localités en question. Seul un partenariat entre ces intervenants peut aboutir, et les approches égoïstes, sectorielles ou corporatistes ont montré leurs limites et démontré qu’elles ne peuvent servir qu’à préparer le terrain à la propagation d’un intégrisme écologique qui, en feignant de s’attaquer aux carences du système environnemental en place, s’attaque en fait aux acquis réalisés et à l’idée même de l’Etat de l’indépendance.

Aboussaoud Hmidi .

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