AccueilLa UNELes Tunisiens ont-ils fait leur révolution pour saper l'Etat?

Les Tunisiens ont-ils fait leur révolution pour saper l’Etat?

La dernière polémique autour de l’entrée de touristes israéliens pour accomplir le pèlerinage annuel d’Al Ghriba, a cloué au pilori les deux ministres du tourisme et de la sécurité, et illustré le grand malentendu qui a émergé depuis la révolution. Que faire de l’Etat tunisien ? le réformer pour le rendre plus performant ou le détruire, et que faire de l’entreprise économique ? Optimiser sa gestion et améliorer son efficience ou la saigner à blanc. Comme disait la fable : faut-il entretenir la poule qui donne des œufs ou la tuer pour en faire un repas copieux et ensuite laisser les choses évoluer comme le voudra le bon Dieu?

Le gouverneur de la Banque centrale, Chedly Ayari a réagi à la polémique des touristes israéliens , en mettant l’accent sur l’importance du secteur touristique, voyant dans les recettes en devises qu’il génère en cash une manne financière providentielle et une bouffée d’oxygène en cette période de vaches maigres , sans laquelle l’économie du pays ne peut être sauvée et les grands équilibres qui manquent cruellement ne peuvent être rétablis .

Mehdi Jomâa a, quant à lui, souligné que la réussite de la saison touristique dépend du bon déroulement du pèlerinage d’Al Ghriba , et appelé à laisser son gouvernement travailler loin des tiraillements politiques qui risquent de l’empêcher d’accomplir sa double mission de redresser l’économie et bien préparer les élections .

Politiser le secteur du tourisme et réduire la marge d’action du Gouvernement Jomâa , sont le dernier maillon d’une série d’attitudes et de positions prises par les partis politiques, les syndicats et diverses ONG se réclamant de la révolution du 14 janvier2011 , qui ont pris pour cible l’Etat tunisien , et se sont assignés pour mission de tarir ses sources de financement et de barrer la route à tout ce qui pourrait garantir l’efficacité de son action.

Déjà aux premiers jours de la révolution, la paralysie de l’activité économique du pays, particulièrement le tourisme et l’exportation, avait tenu lieu de choix de nature à radicaliser le processus révolutionnaire. Et toutes les alertes sur les dangers encourus par le maintien de ce cap révolutionnaire étaient balayées d’un revers de la main par les dirigeants de l’UGTT et de l’extrême- gauche de l’époque, accusant ceux qui les évoquent d’agiter l’épouvantail économique pour ralentir la révolution, et invoquant que la grande contribution de ces secteurs dans le PNB, illustre les mauvais choix en matière de développement. Ces mêmes thèses extrémistes ont cherché à banaliser le manque à gagner pour le pays si ces activités sont gelées , allant jusqu’à faire miroiter une aide qui serait apportée par les amis de la révolution tunisienne , les syndicats internationaux et les forces de gauche pour sauver l’économie nationale si elle arrive à s’écrouler , et promettant que l’argent détourné par les Ben Ali suffit à financer le développement des régions intérieures , une fois récupéré .

Le détail de ce choix doctrinal a été illustré par la prise du système de production en otage , en encourageant grèves et sit-ins , révoquant des centaines de cadres de l’administration, et mettant à plat les entreprises publiques( CPG , STEG , SONEDE , SNCFT ,Tunis Air , Al Fouladh , OACA etc… ) en y intégrant plus de 20.000 qui travaillaient en sous-traitance, et accomplissaient des activités externalisées depuis deux décennies.

Ces positions et choix n’étaient pas accompagnés d’une réflexion sérieuse sur un modèle de développement alternatif, et lorsque les temps sont venus (après 3 ans) pour annoncer un tel schéma , il n’est pas parvenu à répondre à toutes les questions posées par les citoyens , opérateurs économiques et experts (lire notre article Budget « alternatif », synonyme de modèle de développement révolu du 9/3/2014).

Parallèlement à ces attitudes, les mêmes courants politiques et sociaux se sont opposés à tout recours au financement extérieur, accusant les responsables de vouloir vendre le pays aux bailleurs de fonds étrangers. Les efforts de Béji Caïd Essebsi pour arracher un engagement du G8 à Deauville, en France , à financer un vaste programme de développement de 25 milliards de dollars , ont été constamment décriés toujours par les syndicats et l’extrême-gauche. Le secteur du pétrole qui a sa petite contribution dans l’alimentation des caisses de l’Etat en devises est littéralement malmené par les rumeurs portant sur des contrats entachés de corruption, et d’autres rumeurs non moins nocives se rapportant à des réserves illimitées d’hydrocarbures dans le sous-sol tunisien , laissant les Tunisiens rêver d’être riches , mais mal gouvernés .Une campagne à caractère idéologique et doctrinal , menée par un intégrisme environnemental , empêche toute prospection des réserves nationales en gaz de schiste.

Même les deux projets de loi augmentant la part de la Tunisie dans les crédits alloués par le FMI n’ont pas été promulgués le président Moncef Marzouki qui a inscrit son initiative dans une vision qui dénonce tout financement provenant des institutions financières internationales. Cette théorie est défendue en chœur par le parti des travailleurs ,le CPR du président Marzouki , et plusieurs groupes d’extrême-gauche , posant comme condition à tout accord de prêt l’élaboration d’un audit sur les dettes extérieures .Le parti des travailleurs s’est illustré entretemps par une petite évolution , car il a demandé , dans un premier temps, de ne plus payer cette dette qualifiée d’odieuse , mais a fini par nuancer sa position en demandant un simple moratoire du paiement de cette dette pour 3 ans .

Ces positions qui s’étalent dans le temps depuis 2011, sont portées par diverses parties politiques et sociales. Il arrive aux tenants de ces thèses extrémistes de pencher vers la modération, une fois instruits par leur isolement politique et leur échec à convaincre leurs bases. Ils sont alors vite relayés par d’autres pour les dénigrer et prendre leur place, dans une entreprise continue de porter atteinte à l’idée de l’Etat et démanteler ses institutions, comme si la révolution était déclenchée pour uniquement en venir à bout.

Aboussaoud Hmidi

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