Contrairement aux trois dernières années, la Fête des martyrs n’a pas donné lieu, ce mercredi, à cette effusion de manifestations d’hommage et de recueillement sur la mémoire des martyrs de Tunisie, dont les plus illustres sont ceux tombés sous les balles de l’occupant français, le 9 avril 1938.
L’ avenue Habib Bourguiba, à Tunis, lieu mythique de la Révolution n’a pas drainé les grandes foules, en ce jour censé rassembler les Tunisiens de tous bords pour se recueillir sur les martyrs de toutes les épopées qui ont jalonné le mouvement de libération nationale et toutes les batailles qui l’ont ponctuée ainsi que celles qui ont marqué de leur sceau différents épisodes de la lutte pour l’Indépendance totale de la Tunisie, notamment la guerre de Bizerte et bien d’autres.
Quelques groupes politiques, pour ne pas dire des groupuscules, ont mobilisé leurs militants et sympathisants pour des rassemblements épars et clairsemés, certes pour célébrer cette fête, mais aussi et surtout pour véhiculer leurs messages, leurs idées et convictions. Deux grandes absences y ont été remarquées, celle du mouvement Ennahdha et du parti Nidaa Tounès, qui ont préféré commémorer autrement et ailleurs qu’à Tunis cette date, le parti islamiste à Sfax sous la forme d’un meeting populaire, et la formation politique de Béji Caïd Essebsi à Tataouine où l’accent a été mis sur l’assassinat de lotfi Naguedh dont elle a inauguré la fondation portant son nom.
Au plan officiel, le président de la République provisoire, Moncef Marzouki, le président de l’Assemblée nationale constituante, Mustapha Ben Jaafar, et le Chef du gouvernement provisoire, Mehdi Jomaa, ont présidé, mercredi, au carré des martyrs, à Séjoumi, une cérémonie organisée en commémoration des évènements du 9 avril 1938.
Ils ont déposé une gerbe de fleurs au pied du mémorial et récité la Fatiha à la mémoire des martyrs.
La cérémonie s’est déroulée en présence des membres du gouvernement, du Mufti de la République, des dirigeants de partis et des présidents d’organisations nationales ainsi que des hauts gradés de l’armée nationale.
En dehors de ces célébrations, la Fête des martyrs a été commémorée dans l’indifférence presque générale des Tunisiens. Pourtant cette date du 9 avril 1938 a constitué un tournant dans la lutte du peuple pour arracher son indépendance. Elle marque les manifestations organisées par le Néo-Destour les 8 et 9 avril ont fini dans le sang, faisant 40 martyrs qui sont tombés sous les balles des forces de l’occupation française. Les slogans scandés dans les marches de protestation contre l’arrestation du militant Ali Boulahouane et de plusieurs de ses compagnons demandent la mise en place d’un parlement tunisien et la désignation d’un gouvernement national qui gouvernera le pays. Le lendemain, le 9 avril, le leader Habib Bourguiba et plusieurs membres de la direction du Néo-Destour ont été arrêtés pour être ensuite traduits devant la justice militaire et emprisonnés jusqu’en juin 1943.
Les femmes tunisiennes ont participé à ces marches, faisant leur première apparition sur la scène du combat pour l’indépendance, annonçant un changement dans la lutte politique du mouvement national.
La première année qui a suivi la révolution du 14 janvier 2011, cette occasion n’a pas été commémorée , mais en 2012 de graves incidents ont jalonné la commémoration de l’évènement , impliquant des miliciens des partis au pouvoir , la troïka, et les Ligues de Protection de la Révolution (LPR) qui ont utilisé la violence contre les dirigeants des partis de l’opposition et des députés de l’ANC . Deux commissions d’enquête ont été formées, celle annoncée par le gouvernement n’a presque pas vu le jour, et la deuxième créée par l’ANC qui n’a pas présenté, jusqu’à aujourd’hui, les résultats de ses travaux.
