Le membre de l’ANC, Néjib Mrad qui a «balancé» la liste des 129 hommes d’affaires, n’a probablement pas pensé que cette affaire allait rattraper son propre camp, et pointer du doigt le deuxième domaine financier dans lequel a échoué la Troïka après la catastrophe des finances publiques, celui de la gestion du problème des actifs accrochés des banques.
La publication de la liste n’était pas fortuite. Elle visait à détourner l’opinion publique du désastre des finances publiques. Malheureusement, pour l’initiation de l’opération, les chiffres montrent clairement la gestion calamiteuse par la Troïka du phénomène des actifs accrochés des banques, qui ont augmenté, durant les trois dernières années, de 13%, en 2010, à 20% actuellement, soit une hausse de 55%.
Le volume des actifs accrochés aurait grimpé, quant à lui, de plus de 70%, passant de 7 milliards de dinars à 12 milliards de dinars, soit une augmentation des actifs accrochés de 5 milliards de dinars en trois ans. Un record dans l’histoire de la Tunisie.
Quand on sait, par ailleurs, que ce même taux n’a cessé de baisser, durant les 15 dernières années, passant de 35% des engagements bancaires en 1990 à 24% en 2003, au moment de la publication de la liste des 126 distribuée par le membre de l’ANC, et à 13% seulement en 2010, et qu’en plus, en 2010, 60% de ces actifs accrochés étaient couverts par des provisions, indiquant que le risque réel n’était que de 5% des engagements bancaires , on s’aperçoit actuellement que l’on court un risque réel de 10%, soit le double.
– Les causes de l’échec de la politique de la Troïka.
Cet échec est évidement lié à la détérioration de la situation financière et aux difficultés vécues par des pans entiers de l’économie. Le secteur touristique, à lui seul, a enregistré, en 2011, près de 2.4 milliards de dinars d’actifs classés qui n’ont pas été pris en compte dans la facture en raison de la publication d’une circulaire publiée en 2011 (circulaire n° 2011-04).
La situation des entreprises publiques, qui montre que les déficits cumulés pour 27 entreprises ont atteint 3 milliards de dinars, y est également pour quelque chose. Toutes ces pertes se traduisent par des impacts sur le bilan des banques comme il ressort du rapport de la BCT de 2012.
La situation économique post révolution a impacté négativement la qualité des actifs des banques. L’année 2011 a été marquée par un accroissement important de l’encours des impayés de 19.2% et des créances consolidées de 15.4%. En 2011, l’encours des créances classées a augmenté de 739 MD pour atteindre 7 milliards dinars, compte non tenu des 2.4 milliards de dinars, du secteur touristique non classés en 2011.
Le gouverneur de la BCT a évalué les créances classées aujourd’hui à 12 milliards de dinars, ce qui veut dire que le volume a augmenté de 5.7 milliards de dinars entre 2010 et aujourd’hui, soit presque le double, en trois ans. Le taux des actifs accrochés par rapport aux engagements bancaires avait, quant à lui, augmenté de 13% en 2010 à 20% actuellement.
– Détérioration sans précédent des équilibres extérieurs.
Le troisième domaine dans lequel la Troïka a échoué après les finances publiques et le secteur bancaire, est celui de la préservation des équilibres extérieurs. En effet, les déficits extérieurs ont atteint 8.5%, en 2012, et 9%, en 2013, et le déficit commercial a culminé à 11.7 milliards de dinars, en 2013, soit le double du niveau de 2009 (6 milliards de dinars). La dette extérieure a augmenté de 8 points passant de 37% en 2010 à 45% en 2013.
Les réserves de change atteignent 11.6 milliards de dinars représentant 106 jours d’importation contre 13 millions et 147 jours à fin 2010.
En réalité, sans l’augmentation vertigineuse de l’endettement extérieur supplémentaire contracté durant les trois dernières années, ces réserves n’auraient pas dépassé 4 à 5 milliards de dinars et 40 à 50 jours d’importation, un niveau qui aurait ramené le pays aux années 80.
