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Tunisie : Jeu de ping-pong : «J’ai décidé de vous renvoyer ». «Vous dépassez vos prérogatives» !

La surprise était hier grande, lors de la diffusion du programme TV «Essaraha Raha» d’Hannibal TV, d’entendre le Président provisoire tunisien Moncef Marzouki, prendre aussi brutalement part dans une forte cabale contre le Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT).

 

La polémique avait éclaté il y a quelques mois, à propos de l’indépendance de l’Institut d’émission par rapport au gouvernement, lorsque le chef du Gouvernement provisoire tunisien Hammadi Jbali, avait voulu annexer la BCT à son cabinet. Cette polémique cachait en fait, une vraie bataille sur l’utilisation de l’outil financier pour les besoins de la politique économique du gouvernement Nahdhaoui. Ce dernier avait en effet fort besoin de «la planche à billet », pour essayer de créer une croissance, même factice et virtuelle comme il la nommera lui-même, par le biais de la consommation à travers l’ouverture des vannes du crédit. Le débat avait alors été tranché par l’Assemblée Constituante tunisienne qui avait arraché la BCT d’entre les mains de Jbali et confirmé son indépendance et celle de toute la politique monétaire, par rapport à la politique économique qui reste du ressort de chef du Gouvernement.

Fort de cette position, Mustapha Kamel Nabli, devenu depuis l’objet d’une vraie cabale médiatique, peut-être menée par des partisans du Gouvernement tunisien, entame un vrai bras de fer avec Jbali qui s’oblige, en homme politiquement correct, à ne faire aucune déclaration, qui affirmera en mai dernier qu’il «n’a aucun problème personnel avec Nabli» et qu’ils se rencontrent et se concertent couramment pour la convergence des politiques, économique et financière. Le bras de fer entre les deux hommes avait pourtant commencé, dés le mois d’avril, date de la présentation du programme du gouvernement devant la Constituante. Jbali y avait inclus une mesure visant «l’adoption d’une politique monétaire expansionniste et de taux d’intérêt bas dans le programme du Gouvernement». Le Gouverneur de la BCT y répond par un communiqué où on lisait que cette politique [expansionniste] «est en contradiction avec la loi qui confère à la Banque Centrale la mission de la conduite de la politique monétaire en rapport avec l’évolution de la situation économique et financière, objet d’un suivi continu et rigoureux et ce, dans le cadre de l’indépendance de la Banque Centrale consacrée par la loi portant organisation provisoire des pouvoirs publics». On croyait le bras de fer fini, malgré la poursuite de la cabale médiatique dont fait toujours l’objet Mustapha Kamel Nabli et les info-intox sur son départ et son remplacement par plus d’une personnalité, lorsqu’intervint, jeudi 7 juin 2012 une déclaration intempestive du président provisoire Moncef Marzouki. «Il sera changé, je l’ai décidé depuis des mois». C’est en ces termes et sur un ton plutôt fâché, que le président provisoire tunisien a parlé jeudi soir du Gouverneur de la BCT Mustapha Kamel Nabli sur Hannibal.

Le torchon brûle entre le Président et le Gouverneur de la BCT !

La déclaration, ne touchait cependant pas que la personne et le poste de Gouverneur, mais semblait vouloir remettre en cause, toute la stratégie, adoptée par l’ANC, d’indépendance de la BCT. «Nous avons besoin d’une politique économique et financière qui soit entre les mains du gouvernement», dit encore Marzouki qui minimise même, en refusant de le commenter, le prix du meilleurs Gouverneur africain attribué à Nabli. Bien que s’inscrivant dans le droit chemin du genre de déclarations jusque là faites par Marzouki à propos de questions échappant, par le fait du texte même de la mini-Constituante, à ses prérogatives, la déclaration en a étonné plus d’un. Marzouki, faisant état de plus en plus au média, de son obédience au gouvernement Nahdhaoui, allant jusqu’à faire démissionner un de ses Conseiller qui a osé le critiquer sur sa page Facebook, certains observateurs soupçonnent une «position de Marzouki dictée par le Gouvernement» qui n’a pas osé une confrontation directe avec un Gouverneur de la BCT soutenu par le secteur bancaire que le Gouvernement Jbali ne cesse d’ailleurs de critiquer et de mettre dans le collimateur de la justice.

Partant, il était attendu que Mustapha Kamel Nabli qui a été à l’écoute de la déclaration intempestive de Marzouki, réagisse. Ce dernier, a cependant évité de le faire par communiqué, cherchant certainement à ne pas couper le cordon du dialogue avec le Gouvernement. Profitant ainsi de sa participation au forum de l’association des économistes tunisiens qui s’est tenu jeudi et vendredi à Hammamet, Mustapha Kamel Nabli, a estimé que «la décision de Moncef Marzouki est un dépassement pour les lois de l’Assemblée Constituante et des prérogatives de cette dernière», que «le changement déclaré [par Marzouki] s’oppose à la bonne gouvernance et au principe de l’indépendance de la BCT, ce qui est très dangereux ! ». Nabli ira jusqu’à rappeler à Marzouki que «la loi régissant les pouvoirs publics, ne donne pas au Président de la République le droit de prendre tout seul une telle décision, qui est du ressort de l’Assemblée Constituante », lui rappelant aussi qu’il ignore l’activité de banque centrale, dont les rapports sont pourtant transmis au palais de la présidence.

Nabli aura cependant l’intelligence politique, de ménager ses rapports avec le chef du Gouvernement Hammadi Jbali, disant que ses relations entre Gouvernement et BCT sont bonnes. « Je suis un gouverneur qui aime son pays et qui travaille seulement pour l’intérêt de son pays », finit-il par dire. Quand bien même voudrait-il en effet démissionner, l’acte du Gouverneur de la BCT qui serait compréhensible du point de vue de l’amour propre, porterait ainsi un coup de grâce à ce qui reste de la notation souveraine et à la confiance des instances financières internationale.

Cela clora-t-il ce nouvel épisode du bras de fer ? La coalition Gouvernement-Présidence, franchira-t-elle le pas vers une démission forcée par le biais de la Constituante que Mustapha Kamel Nabli verra le 19 de ce mois ?

Ce qui est pour l’instant certain, c’est que rien ne va plus, politiquement en Tunisie. C’est en effet, une présidence qui critique le gouvernement et lui demande de partir, malgré le rectificatif de Marzouki, un gouvernement qui gronde contre son principal allié dans la troïka et le rappelle à l’ordre et une présidence qui dépasse ses prérogative et s’immisce dans un conflit qui la dépasse.

A suivre !

Khaled Boumiza

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