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Tunisie : Il conteste et accuse. Jbali avait-il réellement de quoi pavoiser ou de quoi s’offusquer ?

Après le complot interne de ceux qui voulaient descendre le Gouvernement Jbali, en avril dernier, voici peut-être le complot des agences de notation contre le Gouvernement Jbali, 2 mois plus tard.

«Ils ont visité la Tunisie, en 2011, et dégradé la note d’un cran, en avril dernier. Ils devraient, en principe, voir ce qui a été réalisé pendant les quatre derniers mois de 2012. S’ils veulent nous juger sur les résultats de 2011, ce n’est pas raisonnable », s’offusquait Hamadi Jbali. Et le chef du Gouvernement tunisien de partir en vrille, sur la diabolisation des agences internationales de notation qu’il appelait même «des associations», en essayant de les criminaliser et au moins de les culpabiliser. «Ces agences étaient contentes de la situation, en 2010, sous Ben Ali et le notait  BBB+. Elles décernent de bonnes notes à la tyrannie et de mauvaises notes à la révolution. Elles condamnent la démocratie ».

 

Pour toute défense, le chef du Gouvernement tunisien présente, fièrement, une copie du dernier rapport de l’INS sur l’évolution de la croissance de l’économie tunisienne, au cours du dernier trimestre 2012. «S’ils veulent nous juger sur 2012, les résultats sont clairs et je ne sais pas s’ils ont vu les chiffres de l’INS. Vous voyez que, pour la première fois, la croissance a été de 4,8 %, ce qui n’a pas été réalisé même au cours du premier trimestre de Ben Ali en 2010 qui a fait 4,6 %. Tous les ratios ont grimpé positivement. Je n’accuse personne, mais je voudrais juste savoir comment ils ont fait », s’exclamait, visiblement indigné, Hammadi Jbali. Notons-le tout de suite, cette prétendue croissance, était … en glissement annuel, comme on ne le voit pas clairement sur l’écran et comme le chef du Gouvernement tunisien  ne le dit pas, et à prix constants, ceux de 2011. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Le glissement veut dire une comparaison d’un trimestre 2012 par rapport au même de 2011. A prix constants, cela veut dire que la comparaison n’a pas tenu compte du glissement des prix et ceux-ci ont beaucoup changé d’une période à l’autre.

 

Il était, pourtant, tout aussi visible que l’indignation du chef du Gouvernement -mais peut-être l’a-t-on trompé lui aussi-, que cette croissance a été mesurée par rapport aux chiffres des comptes provisoires du premier trimestre 2011, «car nous n’avons toujours pas les comptes définitifs de l’exercice 2011 », nous indiquent, au téléphone, deux économistes et statisticiens à l’INS. La comparaison avec une année 2011 et plus précisément un premier trimestre de l’année de la Révolution, où toute, pratiquement toute l’économie était à l’arrêt. Mais soyons plus pragmatiques, en opposant les chiffres aux chiffres.

L’un des ratios les plus importants dans la définition du taux de croissance, reste l’IPI (Indice de la production industrielle). Selon le même INS dont brandissait Jbali le communiqué, l’IPI avait terminé le premier trimestre de 2011, en berne de 9,3 %. L’indice des industries manufacturières était, à cette date, de -7,4 %, celui des mines de -60,5 % et celui de l’énergie de -10,7 %.

Même si elle devait se faire ainsi, la comparaison à prix constants ne signale pas que le glissement de l’indice général des prix, entre le premier trimestre 2011 et la même période de 2012, était de 8 %. La comparaison ne pouvait pas non plus tenir compte de l’évolution de 7,6 % de l’indice des prix industriels à la vente, par rapport à 2011.

Il est important de rappeler aussi que, pendant le 1er trimestre de l’année de comparaison, 2011, l’appareil de production était quasiment à, l’arrêt et le tourisme était pratiquement à genoux. L’INS écrivait alors, dans sa note conjoncturelle, que «les échanges extérieurs ont nettement marqué le coup en 2011. Le premier trimestre a ainsi  été entaché d’une panne d’activité  et une chute brutale des échanges  qui a été suivie par un rebond de rattrapage au deuxième trimestre. Le second semestre a, lui, été imprégné par la demande provenant des partenaires européens de la Tunisie,  les exportations offshore accusant deux trimestres de baisses consécutives de -2% et -4,5%».

Réaliser donc de la croissance, à partir d’un profond négatif, s’appellerait-il de la croissance ? Cette croissance a-t-elle réellement créé de l’emploi, comme le devrait toute croissance du PIB (Produit Intérieur Brut) ? Si cela avait été fait, la Tunisie aurait eu moins que les 800 mille chômeurs et le Gouvernement n’aurait certainement pas hésité à s’en gargariser !

«Je n’ai aucun différend personnel avec Mustapha Kamel Nabli … mais tout est possible »

Il est, à ce stade, important, comme nous y autorise d’ailleurs notre rôle de média, de rappeler le chef du Gouvernement à l’ordre et lui faire remarquer que le document brandi, lors de l’interview, relèverait presque de la désinformation et de l’intox, lorsqu’il est présenté sans les explications nécessaires qui devraient l’accompagner. Son gouvernement a certes réussi à endiguer la détérioration des conditions économiques de la Tunisie, mais il reste loin de les avoir rétablies dans celles de 2010 où elles réalisaient une moyenne annuelle de 3,5 % de croissance et encore moins de les avoir portées vers des niveaux supérieurs à ceux des années d’avant  la Révolution en ce que ces années avaient en stabilité politique et sociales. Qu’elles soient réelles ou fictives, là n’est pas le sujet.

Dans un petit moment de lucidité politique, Hammadi Jbali l’a reconnu, lorsqu’il disait en réaction à la dégradation de la note souveraine tunisienne, que «ce qu’ils ont présenté comporte une large part de vérité et de réalité. Il y a d’énormes lacunes». Il ne peut cependant pas s’empêcher d’égratigner au passage un secteur, celui des banques, qui refuse toujours de se mettre sous sa houlette, en ajoutant que «les lacunes les plus importantes résident  dans  le système bancaire tunisien, le problème des dettes du secteur touristique, la question de la dette, à côté de la situation sécuritaire, la question politique et la situation économique. Ils ont raison sur les volets de la politique, de la situation sociale et sécuritaire».

L’interview a aussi été l’occasion de percevoir le froid dans les relations entre le chef du Gouvernement et le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT). «Il y a eu une tempête à propos de l’indépendance de la BCT, bien qu’il y ait différentes vues à propos de cette indépendance. On ne peut pas faire ce que l’on veut en temps de crise, sans nous concerter. Le changement reste une question constitutionnelle ». Et Jbali d’indiquer que «j’ai rencontré le Gouverneur et je lui ai dit que je n’ai pas de problème personnel avec vous, mais nous devons faire notre évaluation, et si on doit se quitter, on le fera suivant les règles de la Constitution». Le chef du Gouvernement tunisien qui insistera pour ne pas commenter le prix du meilleur Gouverneur africain obtenu par Mustapha Kamel Nabli, ajoute que «rien ne s’est jusqu’ici passé ». Il tint cependant à jeter la pierre dans la mare et un voile d’incertitude, en finissant par dire que «tout est possible ».

Khaled Boumiza

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